12 Déc Alfonso Gomez
Maire de Genève
Une ville face à de nombreux défis
Passionné par sa fonction de maire, le quotidien d’Alfonso Gomez se conjugue avec de nombreux sujets complexes où la Genève Internationale et la situation mondiale viennent ajouter aux obligations propres à la ville. Avec des journées qui se jouent sur de nombreux fronts, aucune place n’est laissée au répit. Pour en savoir plus de l’actualité et des dossiers en cours, il répond à nos questions.
Depuis le 1er juin 2025, vous assumez, pour la seconde fois, le rôle de maire de Genève durant une année. Est-ce un poste réglé au cordeau ou au contraire chaque jour est-il différent du précédent ?
Dans une telle fonction, aucun jour ne se ressemble, et cela rend les journées passionnantes ! Certaines activités sont récurrentes, comme représenter la Ville lors d’événements publics tels que l’Escalade, la fête nationale du 1er août ou la cérémonie commémorant le débarquement des Suisses au Port-Noir. Des visites de courtoisie avec des représentantes et représentants de nombreux pays et des rendez-vous avec des institutions suisses ou internationales ont aussi lieu régulièrement. Genève fait partie de nombreux réseaux de villes et, ces derniers mois, j’ai eu l’occasion de me rendre dans la capitale française pour assister à des conférences à l’occasion des 10 ans de l’accord de Paris et à Vienne pour le Forum des Maires du World Cities Summit. Ce sont des moments riches : ils offrent l’occasion de rencontrer des personnes extraordinaires, qui portent des projets, des combats, des réflexions contribuant à la justice sociale, économique ou environnementale. Mais les rencontres, c’est avant tout à Genève, qu’elles se font. Ce qui me plait tout particulièrement dans ce mandat, c’est qu’il permet d’être au plus proche des gens, d’aller à la rencontre de toutes les Genevoises et de tous les Genevois, pour entendre leurs préoccupations et leurs besoins. Au quotidien, j’ajouterais encore qu’il revient au Maire de communiquer au nom de l’Exécutif. Les sujets dépendant de l’actualité, on ne sait jamais tout à fait de quoi demain sera fait. Ce mélange de moments protocolaires et d’adaptation aux imprévus est absolument passionnant.
Quel dossier va le plus vous accaparer durant cette période ?
Dans les mois à venir, la préparation du budget 2026 va occuper une bonne partie de mon temps. Ces dernières années, les communes genevoises ont dû faire face à de nombreuses attaques contre leurs rentrées fiscales. La baisse d’impôts acceptée en votation l’automne dernier implique, rien que pour la Ville de Genève, une diminution de 50 millions de revenus fiscaux, alors que la réforme fiscale et financement de l’AVS (RFFA) entrée en vigueur en 2020 avait déjà conduit à une baisse drastique des recettes. Par ailleurs, la nouvelle péréquation intercantonale pourrait encore diminuer nos revenus. Pour l’heure, nous sommes parvenus à maintenir l’ensemble des prestations à la population, mais la situation devient critique. Les communes urbaines, où se concentrent les trois quarts de la population suisse, doivent être mieux écoutées et prises en compte dans la conduite des politiques publiques. C’est d’autant plus important dans un contexte où les inégalités augmentent et où les communes sont au front pour y répondre. Au niveau international, la situation désastreuse à Gaza nous préoccupe en premier plan. La Ville de Genève a appelé à plusieurs reprises le Conseil fédéral à prendre position et à agir alors que chaque jour le droit international et le droit humanitaire sont bafoués. Le lien indéfectible de notre ville avec les droits humains, et évidemment les Conventions de Genève, nous donne une responsabilité institutionnelle et morale particulière, celle de dénoncer les violences, de soutenir les victimes et de réaffirmer notre attachement sans faille au respect du droit international. Nous avons d’ailleurs fourni une aide d’urgence à l’UNRWA, et avons aussi réaffirmé nos engagements contre le racisme et l’antisémitisme qui ont sensiblement augmenté en Suisse depuis le début du conflit.
Aujourd’hui, dans une société en plein mouvement et bouleversements, est-il encore possible de vraiment protéger les droits humains ? et que faire pour cela ?
Protéger les droits humains, c’est renforcer l’état de droit, soutenir la liberté d’expression, renforcer la société civile et prendre soin des plus vulnérables. Dans un monde où les propos qui divisent et les paroles qui blessent prennent le pas sur le débat et la nuance, cela nécessite de l’engagement et de la détermination pour entendre même celles et ceux qui ne peuvent plus donner de la voix. Je souhaite profiter de cette année de mairie pour mettre au cœur de mon action la protection, qu’il s’agisse de la protection de la démocratie, des populations, des liens sociaux, de l’environnement, de la biodiversité, du vivant, puisque tout est lié au sein d’un même écosystème.
La Genève Internationale connaît une situation sans précédent. Comment voyez-vous les choses évoluer et la ville a-t-elle un rôle à jouer et un poids au niveau mondial ?
La situation actuelle est effectivement marquée par des tensions sans précédent, liées à des dynamiques géopolitiques changeantes, à des défis multilatéraux croissants et à un questionnement plus global sur le rôle des institutions internationales. Malgré les défis, Genève garde un poids stratégique au niveau mondial et reste un lieu de dialogue incontournable. La concentration d’organisations internationales, leur expertise thématique forte (paix, désarmement, droit humanitaire, travail, santé, recherche scientifique, développement durable…) et les infrastructures à disposition du réseau diplomatique y sont uniques. De ce fait, Genève peut accueillir des négociations de haut niveau ou des forums sensibles, comme des discussions sur la cybersécurité ou les questions migratoires. La Genève Internationale peut jouer un rôle crucial pour réinventer un multilatéralisme plus inclusif et agile et chercher de nouveaux formats de coopération, plus souples et moins dépendants des blocages institutionnels classiques. Genève deviendrait un laboratoire de gouvernance mondiale en testant de nouveaux formats de coopération sur des enjeux comme l’intelligence artificielle ou l’urgence climatique.
Genève a également une place particulière dans les domaines de la paix et du droit international humanitaire. Eux aussi sont mis à mal de par certaines situations gravissimes. Ici encore, Genève détient-elle un pouvoir ou des armes pour au moins stabiliser les choses ou idéalement les arrêter ?
Je suis convaincu que Genève, par le biais de déclarations ou par sa capacité à mobiliser d’autres villes, peut influencer les décideurs. C’est pour cela que nous adoptons des prises de position fortes en lien avec la situation à Gaza. La Genève internationale demeure quant à elle un pivot indispensable dans la promotion de la paix, du droit et de la protection des personnes. Elle bénéficie d’une légitimité, d’une expertise et d’un réseau essentiels. Elle peut favoriser le dialogue, contribuer à renforcer le cadre juridique pour les conflits armés ou encore faire émerger de nouvelles initiatives dans les domaines de la justice pénale internationale et la protection des populations civiles dans les guerres modernes.
Le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) est né à Genève de la prise de conscience d’un seul homme, Henry Dunant, qui a conduit à l’établissement de normes internationales protégeant les victimes de guerre. Il faut garder cela à l’esprit, ne pas perdre espoir et rester mobilisés afin que la solidarité et le respect prennent le pas sur la haine et l’égoïsme.
Département des finances, de l’environnement et du logement
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Tél. +41 22 418 22 33
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Photo principale: © Lionel Devaux
Petite photo: © Joséphine de Rohan-Chabot

