Anne Emery-Torracinta

DIP – Département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse

 

Un engagement fort au quotidien

Conseillère d’Etat chargée du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (DIP), Anne Emery-Torracinta et son équipe font face à de très nombreux dossiers d’actualité. Très impliquée, elle s’engage au quotidien pour offrir à tous un système éducatif actuel et des mesures concrètes en matière de protection des mineurs. Pour Bien Vivre, elle revient sur les différents grands chantiers du Département.

Quels sont les grands chantiers en cours du département ?

Il reste désormais plus d’une année avant la fin de la législature, nous travaillons donc à poursuivre et développer les différents projets que nous avons entamés. Je pense tout particulièrement aux nombreux grands chantiers comme la réforme du cycle d’orientation (CO22), le numérique à l’école et la révision du dispositif des mineurs. Enfin, nous travaillons à alléger le fonctionnement du Département.

Pouvez-vous nous détailler la réforme du cycle d’orientation (CO22) adoptée par le Grand Conseil genevois en novembre dernier ?

Cette nouvelle réforme se fonde à la fois sur les constats de celle de 2011 ainsi que sur les nombreuses recherches effectuées autour de nous dans les systèmes éducatifs existants. Elle se fonde aussi sur l’expérience d’autres cantons, comme le Valais, le Jura et Neuchâtel qui ont adopté des réformes du même type. La réforme genevoise est l’aboutissement d’un véritable travail d’équipe entre le département et l’ensemble de nos partenaires (enseignants, directions des établissements, associations de parents d’élèves…) pour aboutir à un projet qui permettra une transition douce entre le primaire où les élèves sont tous dans la même classe, avec les mêmes exigences, et le secondaire II, organisé en filières distinctes. Elle vise à répondre aux besoins de tous les élèves, qu’ils ou elles aient de la facilité, des difficultés ou des talents particuliers, sportifs ou artistiques. Concrètement, cela implique la suppression des trois regroupements (R1-R2-R3) au profit de classes mixtes en 9e et 10e. En 9e année, les élèves seront regroupés au sein d’une même classe, mais avec des niveaux dans deux disciplines : les mathématiques et l’allemand. En 10e année, il est prévu quatre disciplines à niveau avec le français et l’anglais en sus et comme aujourd’hui l’introduction d’options comme le latin, les sciences…

En 11e année, deux voies seront possibles : une voie maturité préparant aux filières du secondaire II menant principalement à la maturité gymnasiale ou professionnelle et une voie certificat menant principalement aux filières du secondaire II préparant aux CFC ou aux certificats de l’ECG. De plus, un parcours accéléré et aménagé sur deux ans sera possible pour certains élèves avec de très grandes facilités. Le dispositif sport-art-études restera offert pour les jeunes ayant des talents artistiques ou sportifs. Enfin, une attention particulière sera portée aux dispositifs pour les élèves ayant de grandes difficultés. Nous poursuivons également le travail relatif à l’orientation scolaire et professionnelle avec notamment deux périodes hebdomadaires en 10e et 11e années d’IOSP (Information et orientation scolaires et professionnelles) avec la volonté que chaque élève construise son propre projet de formation. En parallèle, nous travaillons sur la question du « climat scolaire » nécessaire pour faciliter les apprentissages ainsi que sur la formation continue de nos enseignants.

Le numérique à l’école est un sujet qui vous tient à cœur. Comment le Département s’engage-t-il à ce sujet ?

Il faut tout d’abord préciser que nous parlons de l’éducation au numérique et non pas d’éducation par le numérique. Il existe trois dimensions : la science informatique, la bonne utilisation des outils numériques et la prévention, ces éléments devant s’adapter à chaque étape de la vie de nos enfants. Nous souhaitons que chaque élève puisse devenir citoyen(ne) dans un monde qui est aujourd’hui très numérisé et qu’il soit capable d’avoir le recul nécessaire, un esprit critique et qu’il puisse utiliser le numérique à bon escient dans toutes les disciplines. L’idée ici est de proposer un enseignement qui soit progressif et graduel, plutôt « débranché » pour les petits (c’est-à-dire sans écran), l’introduction des outils numériques intervenant progressivement et uniquement lorsqu’ils présentent une plus-value pédagogique. Il est de notre devoir également de préparer nos élèves à un monde qui se numérise de plus en plus, comme il est de notre devoir de leur apprendre à pouvoir discerner les vraies informations des fausses, de pouvoir confronter ses sources… Cet enseignement va nécessiter d’équiper nos écoles et de poursuivre la formation de nos enseignements. Ce chantier est également lié aux changements de programme qui se profilent selon les degrés. D’ici 2025, le Département prévoit que tous les degrés scolaires seront progressivement concernés et les programmes adaptés en conséquence.

Pouvez-vous parler de la révision du dispositif de protections des mineurs ?

La révision du dispositif de protection des mineurs que nous avons appelé Harpej (Harmonisation de la protection de l’enfance et de la jeunesse) est l’un des projets stratégiques du Département. C’est un travail collaboratif avec l’ensemble de nos partenaires mais aussi avec les familles, les différentes structures d’accueil ou encore les professionnels du droit et le pouvoir judiciaire qui est très impliqué par le biais du Tribunal de la protection de l’adulte et l’enfant. Cette révision est le fruit de plusieurs constats, notamment que la protection de l’enfance se situe toujours sur une ligne de crête avec le risque d’en faire soit trop, soit trop peu. Le projet s’articule autour de quatre axes principaux, le premier étant l’accompagnement à la séparation parentale en transformant les approches existantes. Dans cette optique, nous souhaitons développer une approche telle que celle du modèle dit « de Cochem » qui vise à intervenir au plus vite et à responsabiliser les parents afin que l’enfant ne devienne pas l’enjeu du conflit entre eux. L’objectif est de pouvoir réunir les parents pour trouver un consensus où le bien-être de l’enfant est la priorité avant que la justice ne doive intervenir. Le second axe de cette révision vise à améliorer l’évaluation de l’enfant en danger en revoyant les critères qui permettent de déterminer ce qu’est, justement, un enfant en danger. Ensuite, nous cherchons à développer des mesures plus souples et innovantes pour adapter l’offre du dispositif de protection. Nous n’apprenons pas à être parents et il est parfois nécessaire d’apporter un accompagnement et du soutien à tous les parents qui en ont besoin, sans pour autant devoir placer l’enfant dans un foyer. Le parent doit être vu comme un partenaire qui peut avoir besoin de façon régulière ou plus ponctuelle d’un soutien particulier. L’action éducative à milieu ouvert, c’est-à-dire un éducateur qui intervient au domicile en est un exemple. Depuis plusieurs années, nous avons développé l’AEMO, créer une AEMO petite enfance et nous allons continuer. Nous travaillons aussi sur la possibilité pour un éducateur de prendre à son domicile l’enfant qu’il accompagne pour quelque temps. Nous développons les dispositifs d’accompagnement des jeunes familles. Nous devons offrir une large palette de solutions qui puisse être adaptée à chaque situation. Enfin, le dernier axe de cette révision consiste à revoir les missions, la gouvernance et le fonctionnement du SPMi, le service de protection des mineurs.

Quels sont les autres dossiers en cours au sein du DIP ?

Nous en avons de nombreux ! L’un des sujets importants à relever et qui demande aujourd’hui toute notre attention est l’augmentation du nombre d’élèves à besoins particuliers. En effet, nous constatons depuis quelques années, avec une explosion depuis 2020, une hausse des troubles chez les tous petits, tels que les troubles du spectre autistique, du langage ou encore du comportement. Si ce constat est d’ordre international, à Genève, nous constatons une inflation très nette des besoins des enfants qui sont impactés par ces troubles divers et variés. Cette augmentation qui est sans commune mesure avec la hausse démographique normale nous inquiète fortement et met le système davantage sous tension, notamment l’école primaire et l’enseignement spécialisé. Au-delà de trouver les moyens supplémentaires nécessaires – toujours difficiles à obtenir – nous devons réfléchir pour amener des solutions avec l’enseignement régulier et les structures spécialisées et trouver comment mieux travailler ensemble. Avec des causes multifactorielles comme les problèmes environnementaux, l’abus d’écran, la précarité… et non pas seulement juste une question de diagnostics plus présents de nos jours, notre rôle est aussi d’agir de façon préventive avant l’entrée à l’école en mettant en place un réseau de proximité qui nous permettrait de mieux repérer les familles les plus fragiles par exemple.

 

Photo principale : © Patrick Gilliéron Lopreno / Ville de Genève