
12 Déc Anne Hiltpold
DIP – Département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse
Et demain, que sera l’école ?
Dans un département aussi vaste, les dossiers d’importance ne manquent pas. Beaucoup, basés sur des réflexions communes entre concernés, ont pour vocation de faire changer les choses, d’apporter de la nouveauté et de s’adapter à une société en permanente mutation. La réforme du cycle, les apprentissages, le travail de fond autour de la maltraitance… autant de sujets dont nous parle, Anne Hiltpold, conseillère d’État chargée du DIP.
Le refus de la réforme CO22 par le peuple oblige à repenser le cycle d’orientation. Des choses concrètes sont-elles déjà élaborées et quelles sont les pistes ?
Dès mon entrée en fonction, j’ai fixé des objectifs à la réforme du cycle d’orientation, avec la volonté de lui redonner sa mission première : orienter. L’autre de mes priorités est de garantir que chaque élève termine ces trois années en ayant acquis les compétences fondamentales nécessaires pour intégrer directement une filière qualifiante du secondaire. À ce jour, plusieurs étapes ont été franchies. Une large consultation autour des pratiques pédagogiques a été menée auprès des enseignants, des directions et des syndicats. Une journée inédite a été organisée le 8 janvier 2025, réunissant l’ensemble du corps enseignant du cycle d’orientation. Nous analysons toutes les propositions pour déterminer ce qui peut être mis en œuvre à court, moyen et long terme. Si certaines mesures peuvent être appliquées dès la prochaine rentrée, nous le ferons.
En mars dernier, se tenait la 11e édition du Printemps de l’apprentissage. Comment s’est-elle déroulée ?
Cela a été un succès ! 1060 personnes y ont participé, dont 258 issus du cycle d’orientation et 326 entretiens ont été réalisés. Ce type d’événement est essentiel pour valoriser la formation professionnelle et encourager l’apprentissage dual. Trop de jeunes sortent encore du cycle sans trouver de place. C’est pourquoi nous leur avons réservé l’accès en priorité avant de rendre publique cette manifestation dans l’après-midi. À Genève, le taux de places d’apprentissage reste nettement inférieur à la moyenne suisse. La demande est là, mais les places sont rares. Nous travaillons donc activement en augmenter le nombre, en accompagnant les entreprises et en les incitant à engager. C’est indispensable.
Quel est le dossier qui vous accapare le plus actuellement ?
Ils sont nombreux, compte tenu de l’ampleur de mon département. Au-delà de la réforme du cycle, celle de la maturité gymnasiale est également en cours. Par ailleurs, nous travaillons aussi à la mise en œuvre d’une école pour toutes et tous, capable de répondre à l’augmentation du nombre d’élèves ayant des besoins spécifiques. L’instruction publique, la formation et la jeunesse relèvent de mon département, qui couvre notamment la politique de la jeunesse, dès la petite enfance, mais encore la protection des mineurs. Malheureusement, certains cas de maltraitance nécessitent des mesures de protection immédiates. Dans de rares situations, il nous revient de prendre la décision difficile de retirer un enfant à ses parents. C’est évidemment une mesure de dernier recours. Il est donc crucial de mener un travail de prévention en amont. Un large plan interdépartemental des 1000 premiers jours de l’enfant a été lancé pour soutenir les familles dès le début de la parentalité mais nous travaillons également à renforcer les compétences des parents dans tout type de situations.
Je souhaite aussi sensibiliser davantage au danger d’une surconsommation des réseaux sociaux. Des programmes sont déjà en place dans les classes pour apprendre à identifier les faux profils, déjouer les fake news et adopter une posture critique. Mais cela ne suffit pas : nous devons aller plus loin, en impliquant davantage les familles, car les jeunes passent la majorité de leur temps d’écran en dehors de l’école. Dans la continuité de ces projets, nous devons travailler avec les autorités nationales et cantonales, nous ne pourrons pas avancer à notre seul niveau.
Après deux années à la tête du Département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse, quel bilan tirez-vous ?
Avant tout, je ressens un réel plaisir à exercer cette responsabilité : c’est une mission passionnante. Bien sûr, la taille du département rend certains changements difficiles à mettre en œuvre rapidement. Mais je suis fière, par exemple, d’avoir instauré la co-intervention, un projet qui me tenait particulièrement à cœur. Dès la première primaire, un deuxième adulte intervient dans la classe en soutien au maître titulaire. Cet accompagnement à visée collective continuera à se déployer la rentrée prochaine afin de soutenir les enfants qui débutent leur scolarité. Et puis nous avons également lancé pour la première fois un sondage auprès de tous les élèves et de leurs parents, intitulé Comment va l’école ? J’ai souhaité les interroger afin de connaître leur avis et leurs remarques sur l’école genevoise. Par souci de transparence, tous les résultats ont été publiés. Par ailleurs, notre service de recherche en éducation analyse toutes ces données afin d’orienter nos actions futures. Le travail ne manque pas ! C’est une fonction exigeante mais qui a l’avantage de toucher l’ensemble de la société et qui a un impact sur le quotidien de plusieurs générations.
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Petite photo: © Magali Girardin