Antoine Da Trindade

Directeur du projet CEVA

 

« Si les transports publics sont bien organisés et pratiques, les gens les prennent assez naturellement »

C’est un projet titanesque, le CEVA, acronyme de « Cornavin – Eaux-Vives – Annemasse », bat actuellement son plein. Après avoir été retardée puis récemment menacée par les oppositions relatives aux mesures anti-vibrations, sa mise en service est prévue pour fin 2019. Bien Vivre a rencontré Antoine Da Trindade, directeur du projet CEVA. Il fait le point sur l’avancée du chantier et nous parle de la manière dont le CEVA va révolutionner la manière de vivre la mobilité à Genève.

La voie verte a été inaugurée en avril 2018. Quel est son objectif ?

La voie verte CEVA s’étend de la frontière jusqu’aux Eaux Vives. Elle résulte d’une opportunité puisque sur le même tracé passait la ligne ferroviaire. Une fois celle-ci enterrée, nous nous sommes retrouvés avec une zone à disposition en surface que nous avons cherché à valoriser. Cette voie verte permet de relier la mobilité douce à la mobilité ferroviaire tout en offrant des zones de promenade agréables aux habitants. Elle donne aussi une unité aux communes auparavant scindées par le passage de la ligne. La voie verte CEVA se poursuit aux delà des Eaux Vives par le tronçon pris en charge par l’agglomération et court également côté France jusqu’à Annemasse (A terme, elle est vouée à traverser l’agglomération transfrontalière sur 38 km). Son succès est un prémice à la nouvelle offre de mobilité qu’apportera le Léman Express dans quelques mois.

Depuis l’annonce de sa réalisation, le CEVA a accusé plusieurs retards. Que répondre aux gens qui s’impatientent ?

Le CEVA est un projet d’envergure qui prend du temps à réaliser. Personnellement, je suis sur le projet depuis 13 ans et je suis le premier à voir le temps qui passe. Les travaux ont pu commencer seulement après 6 années de procédures. Une fois le permis de construire obtenu, nous avons dû faire face aux oppositions de certains propriétaires qui ont conduit à des procédures d’expropriation qui ont encore retardé le projet de 13 mois supplémentaires dans le secteur de Champel et qui ont bloqué le démarrage du chantier sur ce secteur. Nous avons également rencontré des problèmes inattendus
dans le percement du tunnel de Champel qui ont nécessité le renforcement des mesures constructives soit neuf mois supplémentaires. En tout, sept années de procédures auront été nécessaires pour permettre le démarrage des travaux sur l’ensemble du projet, qui sont à ajouter aux six ans de travaux prévus. Mais aujourd’hui l’objectif de 2019 est maintenu.

Pouvez-vous nous rappeler le coût d’un tel projet ?

En Suisse, le financement est assuré à 44% par l’Etat de Genève. Le solde est à la charge de la Confédération. La prévision des coûts finaux s’élèvent à 1,621 milliard de francs, soit un dépassement de moins de 3% par rapport au budget initial. Si on ne peut s’en satisfaire, cela reste faible pour un projet d’une telle ampleur. D’autant plus qu’il faut spécifier qu’aucune provision n’a été faite pour les risques du projet et donc les possibles dépassements de coûts.

Le CEVA n’est pas une fin en soi puisqu’il s’insère dans un projet bien plus global. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Le CEVA va permettre de mettre en service le Léman Express, un réseau ferroviaire transfrontalier qui reliera 45 gares en France et en Suisse. Une première en Europe. Au travers de CEVA, qui est l’épine dorsale du Léman Express, on pourra aller d’Evian à Coppet dans un seul train ou d’Annecy à Genève avec cette fois-ci un changement à Annemasse, ou encore relier Lancy-Pont-Rouge aux pistes de ski de Saint-Gervais en 90 minutes. La grande nouveauté ce sont les horaires cadencés, marque de fabrique Suisse, qui seront également mis en place en France et qui marque une collaboration transfrontalière assez unique.

Le CEVA est en train de transformer le paysage urbain genevois. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Trois quartiers sont actuellement en train de se construire autour de gares majeures. C’est le cas à Lancy Pont-Rouge avec le PAV, aux Eaux-Vives avec la nouvelle Comédie et la réalisation de plusieurs nouveaux logements ainsi qu’autour de la gare de Chêne-Bourg. Le CEVA a lancé la revalorisation de plusieurs friches ferroviaires. Du côté de Champel-Hôpital, de nouveaux aménagements vont être réalisés autour de la gare par la ville de Genève et à Carouge-Bachet, les TPG sont en train de réaménager leurs lignes de tram et de bus avec à terme la création d’un pôle d’échanges multimodal très complet à l’entrée Sud de Genève.

Les usagers vont-ils être réceptifs à cette nouvelle possibilité de transport que représente le CEVA ?

Nous attendons 50 000 voyageurs par jour, ce qui est une fréquentation importante. Je pense que le CEVA va modifier les habitudes assez rapidement. En déplacement urbain, il permettra de gagner jusqu’à 20 minutes par rapport aux lignes de bus alors qu’en extra-urbain on pourra gagner jusqu’à une heure. Si les transports publics sont bien organisés et pratiques, les gens les prennent assez naturellement.

Voilà 13 ans que vous êtes à la tête de ce projet. Pas trop fatigué ?

C’est un projet de longue haleine pour lequel toute l’équipe du projet investit beaucoup de temps et d’énergie. Son succès est un enjeu important, un défi que l’on veut absolument réussir.

Le CEVA est à bout touchant. Quelle est la prochaine étape importante à venir pour le projet ?

Les travaux de génie civil sont quasi finis et les travaux de génie ferroviaire battent leur plein. Un des enjeux majeurs maintenant est la mise en service du projet qui a la particularité d’être transfrontalier. Il y a une grande complexité dans la manière de connecter des technologies pas toujours identiques et dans le fait d’exploiter un RER avec deux entreprises distinctes à savoir les CFF et leur homologue française la SNCF. Quand le réseau sera sur les rails, la société Lémanis créée en mars 2017 s’occupera de coordonner l’exploitation au nom des deux maisons-mères.

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