Didier Castella

Conseiller d’Etat – Direction des institutions de l’agriculture et des forêts / DIAF

 

Fribourg, un laboratoire pour l’alimentation de demain

Fort d’une volonté de développer le secteur agro-alimentaire, qui est déjà très présent dans le canton tant au niveau des exploitations, des entreprises, des écoles que d’autres entités dédiées, Fribourg regarde résolument vers demain en mettant en place une stratégie novatrice. Les nombreux projets qui y sont liés font et feront du canton un laboratoire à portée nationale, voire internationale, par les ambitions qu’ils portent. Pour développer les actions en cours et à venir, Bien Vivre a rencontré, Didier Castella, Conseiller d’Etat, directeur de l’Agriculture.

En quelques mots, qu’est-ce que la stratégie de développement économique du secteur agroalimentaire ?

Devenir leader dans les domaines de l’agriculture et de l’agroalimentaire est une volonté exprimée par le Conseil d’Etat dans le cadre du programme de législature 2017-2021. Pour ce faire, une stratégie pointue et intervenant dans de nombreux domaines a été pensée, étudiée et réfléchie. Elle s’appuie sur un écosystème fribourgeois déjà très riche dans ce secteur, et qui dépasse largement la moyenne suisse tant au niveau de l’emploi que de la valeur ajoutée. En l’approuvant en janvier dernier, le Conseil d’Etat a permis à notre canton d’aller de l’avant, de regarder vers demain sans pour autant galvauder des traditions qui lui sont chères. Au contraire, à mes yeux, on parle d’innovation dans la tradition !

Quels projets, pour aujourd’hui et pour demain, y sont liés ?

La stratégie tourne autour de 3 programmes différents et complémentaires. Pour les mener à bien, ils sont financés par des investissements privés et publics à la hauteur de nos desseins. Il y a d’abord Agriculture et Industrie 4.0 qui a l’objectif de favoriser le déploiement de la numérisation et de l’automatisation (robotique, mécanique, Big Data) dans l’agriculture et l’industrie agroalimentaire afin d’en augmenter la productivité, la valeur ajoutée et en diminuant l’impact sur les ressources naturelles comme les émissions de gaz à effet de serre. Vient ensuite la Valorisation de la Biomasse. La volonté est, ici, d’une part d’améliorer la mise en valeur de la biomasse par l’utilisation de biomatériaux, de l’autre de développer les aspects liés à la nutrition et à la santé. Comme les autres programmes, ce dernier s’inscrit dans le principe de l’économie circulaire avec la création de nouvelles chaînes de valeur. Il mise aussi sur les technologies de transformations agroalimentaires innovantes comme la fermentation de précision et les nouvelles protéines. Je citerai, comme exemple, KeraProject qui valorise la kératine des plumes de poulet sous forme de biopolymères pour des emballages. Pour finir, FOOD Living Lab se focalise quant à lui sur le comportement des consommatrices et des consommateurs, notamment en matière de nutrition. Il permet notamment d’imaginer et de tester les produits innovants de demain, les technologies du futur, de « la fourche à la fourchette ». C’est un programme qui permettra de favoriser l’éclosion de start-ups agroalimentaires et la mise sur le marché de produits innovants de PME.

Aujourd’hui, de plus en plus de personnes se rapprochent de la terre et de ses acteurs. Au niveau tourisme, des projets nouveaux ou à venir, dans ce sens, sont-ils menés ?

Nous avons plusieurs axes de développement du tourisme « gourmand », des axes qui sont différents et qui permettent de répondre aux attentes des populations étrangères comme locales. Par exemple, le projet « PRE Bio Gemüse Seeland » a pour but principal de générer de la plus-value pour le secteur maraîcher bio dans la région du Seeland. Pour ce faire, plusieurs pistes sont exploitées dont une par Morat Tourisme, « Bio-Gemüse Tourismus » (tourisme légumes bio), qui a pour objectif de développer une offre touristique large pour les individuels, les groupes ou les professionnels. Elle comporte deux niveaux : vendre une prestation et développer ainsi un centre de profit ; sensibiliser les clients sur les thèmes des produits de proximité, de respect du climat, de qualité et biologiques. Plus concrètement, il s’agit de mettre en place une structure qui développera l’offre sur les exploitations, qui créera et entretiendra le site internet et qui formera les producteurs dans les activités touristiques. Administrativement, elle sera gérée directement par Morat Tourisme, ce qui garantit le professionnalisme. Dans un autre ordre d’idée, il y a le « Salon Suisse des Goûts et Terroirs » qui se tient annuellement à Bulle et qui a été annulé l’an dernier à cause de la pandémie. Nous espérons qu’il reviendra cette année, encore plus fort et qu’il offrira aux visiteurs, qui peuvent venir de loin pour certains vu la qualité reconnue de cette manifestation, une découverte de producteurs, produits, chefs… qui travaillent dans les règles de l’art et qui sont de fervents défenseurs de leur terroir. Je parlais tout à l’heure de l’importance des traditions dans notre canton, il en est une que l’on doit développer encore pour la rendre plus touristique : la Bénichon. Elle fait partie de notre patrimoine et je souhaite que l’on renforce la communication autour de sa convivialité et de son histoire pour faire venir du monde qui partagera avec nous ce moment hors du commun.

Grâce à la stratégie et aux nombreux projets en cours et futurs, comment voyez-vous le canton dans 10 ans ?

Fribourg est un canton agricole. Les exploitants sont des professionnels qui doivent rester nombreux et pour ce faire, nous devons toujours nous assurer qu’ils vivent décemment du fruit de leur travail. Cela conditionnera de nouvelles implantations et la pérennité d’autres. Avec notre stratégie de développement, nous pensons qu’à moyen terme, tout ce qui va être mis en place permettra de consommer plus intelligemment et de préserver la planète. Alors à 10 ans, j’imagine Fribourg comme une référence agroalimentaire en matière de production, de recherche, de développement et d’idées novatrices. Nous sommes en route !

Photo principale : © Yves Marchon
Photo portrait : © Keren Bisaz