Fabienne Fischer

DEE – Département de l’économie et de l’emploi

 

Faire le pari de la durabilité

Les défis de cette rentrée sont de taille pour le département responsable du développement économique géré par Fabienne Fischer et son équipe. Une reprise fragile qui doit également intégrer des défis de transition écologique et numérique. Pour répondre à cette actualité, nous avons interviewé cette responsable qui propose une vision d’économie circulaire incluant le renouvelable.

Quels sont les moyens et les actions qui vont être mis en œuvre dans ce domaine ?

Quand on est en charge de l’économie et de l’emploi comme je le suis, l’important est de penser Genève en 2050, puis s’assurer que les mesures prises aujourd’hui, et qui prendront tous leurs effets en 2030, sont en ligne avec cette vision.

Cela permet d’anticiper et de faire des choix clairs, tant en matière de promotion économique, que d’emploi. La mission est de garantir que demain, malgré les crises, la prospérité collective soit élevée et qu’elle soit bien répartie dans la population. Un tissu économique résilient et durable, c’est moins de pauvreté, moins de pollution, plus de cohésion sociale, moins de dépenses étatiques pour répondre aux crises.

Le modèle économique actuel est basé sur un principe linéaire : produire, utiliser, jeter. Cela n’est plus possible aujourd’hui ! Nous devons nous habituer à l’idée que nous n’avons qu’une planète, et que tous les biens et les services que nous consommons doivent être produits avec de l’énergie et de la matière renouvelable. C’est cela la définition de la durabilité.

Cela implique de nouvelles manières de concevoir les biens et les services, puis de les produire autrement. Afin de les faire durer le plus longtemps possible, il faut qu’ils soient démontables, partageables, réparables, réutilisables, récupérables et recyclables. C’est cela l’économie circulaire. Elle ne se limite pas aux secteurs industriels ou agricoles. Elle concerne également, peut-être même surtout, les services. C’est un changement fondamental qui nécessite un accompagnement des entreprises.

Y aura-t-il des aides ou des subventions pour encourager les entreprises à suivre cette voie ?

Tout d’abord, presque personne ne pense ni ne produit encore de cette manière. Je souhaite donc que la promotion économique et le soutien à l’innovation favorisent l’émergence de ce nouveau champ, en offrant des conditions cadres favorables pour que ce secteur soit source d’opportunités pour les entreprises.

Ensuite, je rencontre tous les jours des entrepreneurs et des entrepreneuses qui désirent transformer leur activité pour la rendre véritablement durable. Je veux les accompagner. Concrètement, les entreprises ont besoin de mesurer l’investissement nécessaire pour mettre en œuvre le changement, de mesurer l’impact de leur action pour atteindre la neutralité carbone ou, mieux encore, un impact positif sur l’environnement. Je vais donc mettre à leur disposition des outils de diagnostics, de mesures, d’analyses de risque, d’aides à la certification, de soutien dans le processus de transformation du modèle d’affaire ou d’une démarche d’éco-conception. Cette transition va les rendre plus performantes.

J’entends également générer une dynamique de partage, de mutualisation des connaissances, des outils. Cette dynamique suscitera l’émergence d’innovations sur les enjeux climatiques et numériques, ainsi que d’innovations sociales et organisationnelles. Genève a tous les atouts pour devenir un pôle mondial de la durabilité.

J’aimerais rappeler que la pandémie a fragilisé le tissu économique genevois. A ce jour, l’Etat a déjà versé aux entreprises en difficulté environ 2 milliards de francs d’aides à fonds perdus, que ce soit à travers les RHT ou les mécanismes relatifs aux cas de rigueur. Ces soutiens financiers ont permis aux entreprises de maintenir leur outil de travail et de préserver les emplois. Maintenant, la priorité est de faciliter la transition des entreprises vers le nouveau paradigme de l’économie durable.

Votre stratégie d’action se base sur la concertation et l’écoute. Avec la reprise des événements, prévoyez-vous des nouvelles rencontres avec les entrepreneurs et les partenaires sociaux ? Ces échanges et ces dialogues sont-ils devenus indispensables ?

Tous les jours, je rencontre des entrepreneurs et des entrepreneuses, des représentants des faîtières économiques, des syndicats, des élus communaux. Je ne vois pas comment je pourrais sentir le pouls de l’économie genevoise autrement. Je connais leurs difficultés et j’entrevois avec eux les opportunités, les contraintes vécues par les communes et leurs projets. Chaque quinzaine, je rencontre les secteurs particulièrement touchés par la crise sanitaire. Plus rarement, et plus discrètement, en tant que responsable des relations de travail (OCIRT), je m’engage pour offrir le meilleur des cadres de négociations, afin que les partenaires sociaux puissent, de manière autonome, parvenir à des accords.

Vous avez en effet évoqué la nécessité d’actualiser les conditions-cadres en les adaptant aux nouveaux enjeux concernant le numérique et le climat. Quelles évolutions devrait-il y avoir selon vous tous secteurs professionnels confondus ?

Dans ma vision, l’Etat ne doit pas tout faire, même s’il doit assumer le rôle de pilote de la transition vers la durabilité. Il doit convaincre, solliciter les forces vives, avancer et rassembler. Dans un esprit incitatif et créatif, l’Etat doit toujours agir en subsidiarité pour accompagner le changement. C’est dans ce contexte qu’il faut actualiser les conditions cadres.

Le fait d’avoir réuni dans mes mains l’office cantonal de l’emploi, la promotion économique, l’inspection et les relations de travail me permet de toujours lier le soutien aux entreprises à la question du maintien ou de la création d’emplois de qualité. Les conditions-cadres doivent garantir un emploi rémunérateur et digne. J’y veille. En particulier, les nouveaux métiers liés aux « emplois verts » ou au numérique doivent être des emplois exemplaires, des emplois de qualité. La prospérité de Genève aujourd’hui et en 2030 en dépend !

 

Photo prinicipale : © Lyndsay Photography Genève
Petite photo : Franck Mentha