Fédération de l’Industrie Horlogère Suisse FH

Yves Bugmann

 

Promouvoir l’excellence horlogère et lutter contre la contrefaçon

Yves Bugmann, le nouveau président de la Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH) basée à Bienne, ambitionne de capitaliser sur les performances exceptionnelles de l’industrie horlogère en 2023 pour accroître la sensibilisation aux enjeux de ce secteur prestigieux. Sa stratégie met en avant le libre-échange, la lutte contre la contrefaçon et le lobbying. Dans cette entrevue, il partage ses perspectives sur les défis et opportunités à venir.

Félicitations pour votre nouveau poste en tant que président de la FH. Pouvez-vous nous parler de vos motivations et de la mission de la FH ?

Après avoir passé plus de 18 ans au sein du service juridique de la FH, j’ai eu le privilège de prendre la présidence de l’organisation le 1er janvier. Entouré d’une équipe remarquable, composée d’une quarantaine de collaborateurs au siège et avec des succursales à Hong Kong et Tokyo, je peux déléguer en toute confiance. Nos déplacements internationaux, souvent en compagnie du Conseil fédéral, nous permettent de relever les défis liés à l’exportation et de sensibiliser sur les dangers de la contrefaçon.

Comment se porte le marché de l’industrie horlogère suisse ?

Après trois années post-Covid exceptionnelles, marquées par des exportations record de 26,7 milliards de francs suisses en 2023 (+7,6% comparé à 2022), l’année 2024 semble plus incertaine en raison du contexte économique et géopolitique mondial. Cependant, malgré cette situation, nous restons confiants en notre position de leader en terme de qualité et de savoir-faire sur tous les segments du marché horloger. Nos produits, durables et appréciés à l’échelle mondiale, continuent de séduire un large éventail d’acheteurs et font rayonner la Suisse à l’international. Il est important de rappeler que bien qu’ils ne soient pas considérés comme essentiels, ils apportent une satisfaction et un plaisir à de nombreux consommateurs. En termes de chiffre d’affaires, nos principaux marchés incluent les Etats-Unis, la Chine, Hong Kong, Singapour, et l’Angleterre, qui est notre premier client européen, suivi de près par la France.

Pouvez-vous nous parler des priorités que vous avez identifiées pour votre mandat à la tête de la FH ?

Le président de la FH est élu pour un mandat de trois ans, renouvelable. Je suis confiant dans la gestion actuelle de la Fédération et j’aspire à maintenir cette excellence. Les défis à venir seront notamment liés à l’émergence de l’intelligence artificielle, dont nous n’avons pas encore saisi tout le potentiel. Bien qu’elle puisse parfois susciter des inquiétudes, elle offre également de nombreux avantages, tels que la reconnaissance d’images en ligne, qui sera un outil précieux pour nos efforts de lutte contre la contrefaçon sur Internet. Cette dernière reste principalement concentrée en Chine, représentant 70 à 80% de l’origine des copies selon les statistiques douanières. Cependant, d’autres pays émergents tels que l’Egypte, l’Arabie Saoudite et la Turquie sont également devenus des acteurs non négligeables dans le domaine de la contrefaçon. D’autres priorités constituent, à plus court terme, aussi la force du franc suisse et la complexité croissante du cadre réglementaire international.

Les défis liés à la contrefaçon et à la protection du « Swiss Made » sont des préoccupations majeures pour l’industrie horlogère suisse. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Chaque année, la FH et ses partenaires interceptent entre 2 et 3 millions de produits contrefaits dans le monde. Malheureusement, ce nombre ne diminue pas, et il serait illusoire de vouloir éliminer complètement ce fléau. Il est néanmoins possible de réduire drastiquement la visibilité de la contrefaçon, grâce à nos actions afin de protéger les consommateurs du monde entier. Nous nous efforçons de sensibiliser et d’informer à travers des campagnes publicitaires sur les réseaux sociaux et en collaborant avec des influenceurs pour dévoiler les dessous de cette problématique, qui menace notre industrie et nos emplois, tout en encourageant des conditions de travail précaires au profit d’organisations criminelles. Cette situation engendre une perte estimée à 2 milliards de francs suisses de chiffre d’affaires ainsi que la suppression de 3000 emplois dans notre branche, selon une étude de l’OCDE. En Suisse, l’association « Stop Piracy » s’engage à informer et sensibiliser les consommateurs tout en favorisant la coopération entre les autorités et le secteur économique. Face à la montée de la contrefaçon, elle concentre ses efforts sur le partage de connaissances et la réalisation de campagnes de sensibilisation percutantes, contribuant ainsi à une information objective sur les conséquences de la contrefaçon et du piratage.

Avec la montée en puissance des achats en ligne, la lutte contre les produits contrefaits est devenue encore plus complexe. Quelles sont les stratégies de la FH pour contrer efficacement la contrefaçon en ligne et protéger les consommateurs contre les produits frauduleux ?

La FH dispose d’une unité spéciale, dédiée exclusivement à la lutte contre la contrefaçon en ligne. Cette Cellule Internet supprime année par année environ un million d’annonces de contrefaçons de montres sur les réseaux sociaux et les plateformes de vente. Nos enquêteurs travaillent avec des outils informatiques pointus et développés sur-mesure afin d’identifier et de supprimer ces annonces. Certaines plateformes de vente sur Internet sont coopératives et ont implémenté leurs propres systèmes de surveillance, d’autres le sont malheureusement beaucoup moins.

Comment la FH travaille-t-elle en collaboration avec d’autres acteurs de l’industrie et l’Etat, afin de faciliter le libre échange et donc les exportations ?

Rappelons que 95% de nos garde-temps sont destinés à l’export. Le libre-échange et l’accès aux marchés internationaux est donc d’une importance stratégique pour nous. La FH participe activement aux discussions relatives aux accords de libre-échange que la Suisse négocie, seule ou dans le cadre de l’AELE, comme récemment par exemple avec l’Inde. En tant que membre d’« economiesuisse » (fédération des entreprises suisses), nous prenons également part aux procédures de consultation sur des projets législatifs importants, tels que par exemple la révision de la loi sur les Douanes. Nous collaborons également en direct avec d’autres industries suisses si nous avons des intérêts communs et défendons la position de notre industrie, au niveau communautaire, dans le cadre du Comité permanent de l’horlogerie européenne (CPHE).

Dans le contexte national et international, rencontrez-vous des difficultés particulières ?

S’agissant des défis pour l’industrie horlogère au niveau national, il convient de relever en premier lieu la force du franc suisse qui pénalise les industries d’exportations suisses dans leur ensemble et qui nuit à la compétitivité de nos entreprises. Au niveau international, nous pouvons constater que le cadre juridique et réglementaire devient de plus en plus complexe, avec parfois des réglementations contradictoires sur certains marchés. La vitesse à laquelle les entreprises doivent mettre en œuvre de nouvelles règles est stupéfiante et ainsi difficile à implémenter, notamment pour des PME. La FH s’engage donc pour une harmonisation des règles et intervient dans ce sens, dans le cadre des procédures de consultation.

Fédération de l’Industrie Horlogère Suisse FH
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Tél. +41 32 328 08 28
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