Fédération de l’Industrie Horlogère Suisse FH

Jean-Daniel Pasche

 

Toujours rester vigilant

Tandis qu’une pandémie a mis le monde en arrêt, l’industrie horlogère suisse a été confrontée à un brusque ralentissement de ses activités alors que le secteur se portait au mieux. Devant cette crise conjoncturelle, sa fédération (FH) n’a pas baissé la garde mais au contraire à continuer à mener, voire renforcer, ses missions pour assister ses membres. Pour parler de la situation d’aujourd’hui et de celle de demain, rencontre avec Jean-Daniel Pasche, président de la FH.

Qui est membre de la Fédération de l’Industrie Horlogère Suisse ?

L’horlogerie suisse est un emblème qui tient lieu de référence à l’International. Pour soutenir sa place de leader mondial de premier exportateur en valeur, la Fédération de l’Industrie Horlogère Suisse (FH) œuvre au quotidien pour aider ses membres à continuer dans cette dynamique. Une moyenne de 460 marques et sous-traitants est ainsi affiliée à la FH. Si un turn-over existe entre les arrivants et les partants, le chiffre reste stable. Pour être admis dans la Fédération, il faut répondre à différentes obligations comme, par exemple, être installé en Suisse ou y avoir une succursale, travailler selon la législation en vigueur pour le Swiss made et s’engager à ne pas copier d’autres marques ou entreprises.

Quelle est la situation de l’industrie horlogère en cette fin 2020 ?

Alors que 2020 s’annonçait dans la lignée des années précédentes en termes d’exportations et de ventes, tout a été stoppé au fur et à mesure que les pays étaient touchés par la pandémie et la crise qui l’accompagnait. Evidemment, l’industrie horlogère a été fortement impactée, surtout durant les confinements, puisque les boutiques étaient fermées, les entreprises à l’arrêt et que plus rien ne bougeait côté tourisme, travel retail, duty free… A l’heure où je vous parle, nous estimons la baisse des exportations à environ 25% avec un impact plus important sur les entrées de gamme. Si les choses ont repris depuis cet été, nous ne pourrons jamais compenser le manque et nous pouvons déjà considérer cette année comme négative. Certes les choses ne sont pas des plus simples, mais n’oublions pas que nous ne sommes pas face à une crise horlogère mais à une crise conjoncturelle, nous espérons donc que le jour où les choses redeviendront normales, l’activité reprendra pleinement et balayera cette incertitude du lendemain qui nous bloque aujourd’hui dans toute projection, un autre point négatif.

Des enseignements ont-ils été tirés par rapport à la pandémie ?

Une des réflexions principales qu’a engendrée cette crise est l’évolution du e-commerce. En effet, s’il n’a pas permis d’équilibrer ce qui ne se vendait plus en boutique, il a tout de même contribué à la continuité du business, et ce, même sur le segment du haut de gamme. Nous savons qu’il ne pourra jamais se substituer au commerce traditionnel, l’achat d’une montre est entouré d’un côté émotionnel engendré par le fait de la toucher, de l’essayer, de la voir à son poignet mais pour autant il est impératif aujourd’hui de repenser le futur en combinant les deux axes de vente.

Comment s’est organisé le travail de la FH durant le printemps ?

La quarantaine de collaborateurs que compte la FH n’a jamais arrêté de travailler mais comme bon nombre, nous avons dû adapter en urgence nos méthodes en renforçant le télétravail, en équipant chacun au niveau informatique et en recourant à la visioconférence. Tout ceci nous a permis de continuer à gérer nos dossiers courants et ceux qui ne demandent aucun relâchement, comme la lutte contre les contrefaçons ou les investigations autour des législations mondiales, un pôle important ou nous nous devons d’être vraiment proactifs puisqu’il nous permet, au fur et à mesure des éléments que nous découvrons, d’informer nos membres sur les nouveautés que chaque pays peut imposer. Il est un autre secteur qui nous a demandé également une attention toute particulière, celui lié aux mesures protectionnistes. En effet, même si la Suisse a signé des conventions avec de nombreux pays pour les exportations, quand une crise survient, certains peuvent être amenés à vouloir augmenter les taxes et les droits de douane ce qui est totalement interdit vu les accords négociés. C’est une activité importante pour laquelle nous sommes en relation permanente avec le gouvernement et plus spécialement le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche qui peut intercéder auprès des pays concernés, quand il le faut, car les montres suisses doivent être importées au juste prix.

La lutte contre la contrefaçon, un de vos fers de lance, est plus que jamais d’actualité. Que faites-vous pour tenter de l’endiguer ?

La contrefaçon est un véritable fléau qui nuit à l’image du savoir-faire de notre monde horloger et dupe les clients. Sur le sujet, nous sommes très actifs avec notamment une cellule spécialement dédiée à la traque sur internet. Une équipe spécialisée effectue des recherches permanentes en visionnant les sites marchands, les plateformes et les réseaux sociaux. Nous réussissons à faire éliminer des annonces, la preuve en est puisqu’un 1,2 million de ces dernières sont stoppés en moyenne chaque année. Il va sans dire que durant les confinements de chaque pays, où les boutiques étaient closes, les choses se sont encore amplifiées. Donc plus que jamais, nous avons été en alerte et nous avons même renforcé notre équipe en embauchant une personne parlant chinois qui travaille à scruter les plateformes rédigées en mandarin, sa langue maternelle. Vous l’aurez compris tout est mis en œuvre pour endiguer ce fléau.

Comment voyez-vous le futur pour l’industrie horlogère suisse ?

Je vais me répéter mais nous ne sommes pas face à une crise structurelle horlogère mais conjoncturelle mondiale. De ce fait, nous pensons qu’une fois la pandémie endiguée, les choses reprendront leur cours. Maintenant à savoir si cela sera à moyen ou à long terme, il est encore difficile de répondre. Evidemment, pour certaines sociétés, les choses sont difficiles et nous craignons que certaines ne survivent pas à l’arrêt brutal de leurs activités. Au-delà de ces cas, je suis persuadé que l’industrie horlogère va s’en sortir et continuer à vendre ses créations à tous les amateurs de qualité, d’élégance et de savoir-faire de par le monde.

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