FMB – Fédération des Métiers du Bâtiment

Nicolas Rufener

 

Concilier développement économique et territorial: un enjeu vital pour Genève

Représentant plus de 12’000 travailleurs d’exploitation, 1400 entreprises et 18 associations, la Fédération Genevoise des Métiers du Bâtiment incarne la filière de la construction, au cœur de l’équilibre territorial genevois. Dans une métropole où les réserves foncières se raréfient, le secteur doit composer avec des contraintes croissantes — aménagement limité, réforme fiscale et coûts de la transition énergétique. Face à ces défis, la formation professionnelle s’impose comme un levier crucial pour assurer la relève et maintenir une dynamique économique florissante. Par ailleurs, la Fédération joue également un rôle de lobby politique déterminant, défendant les intérêts du secteur auprès des instances décisionnelles. Nicolas Rufener, secrétaire général de la Fédération, nous livre son analyse des enjeux et des perspectives pour l’avenir du secteur.

Quel est le rôle de la Fédération des Métiers du Bâtiment (FMB) en tant que lobby politique de l’industrie de la construction ?

La Fédération des Métiers du Bâtiment joue un rôle clé dans la défense des intérêts des entreprises de construction. En tant qu’association faîtière, elle porte la responsabilité de représenter un acteur majeur de l’économie et d’intervenir sur de nombreux fronts. La FMB intervient sur des sujets transversaux tels que la gestion des marchés publics, l’emploi ou encore la gestion des déchets et s’assure d’être systématiquement consultée lors des projets de loi. Même si elle ne gère pas directement les conventions collectives ou la formation professionnelle, ses échanges réguliers avec les autorités garantissent que les décisions publiques reflètent pleinement les réalités économiques et les besoins des entreprises du bâtiment.

Quelles sont vos préoccupations vis-à-vis de l’aménagement du territoire ?

Les conditions-cadre inquiètent. Dans le bâtiment, l’aménagement concentre des enjeux majeurs. À Genève, les notions de ménagement et de désaménagement dominent les discussions. La configuration d’État-ville impose une approche spécifique. Ici, couper un arbre suscite plus de résistance que démolir un immeuble, même avec vingt replantations prévues. L’ordre des priorités se brouille. La cohérence s’efface. L’objectif reste partagé : offrir une ville plus agréable à vivre et répondre aux besoins. Pourtant, les choix actuels freinent l’installation de nouveaux résidents comme le développement des entreprises. Genève, terre d’ouverture depuis des siècles – pour les populations migrantes comme pour l’économie – perd progressivement cette capacité. Depuis cinq ans, les marges d’adaptation régressent, bridées par une vision figée de l’aménagement territorial et des promesses politiques visant à séduire les électeurs (ne pas abattre d’arbres, freiner l’accueil de populations) plutôt qu’agir pour un développement économique rationnel, raisonné et planifié. Alors que notre économie surperforme, cette situation de plus en plus tendue amène toujours plus de trafic pendulaire et d’installations sur les territoires voisins de France. Le taux de vacance sur le canton représente entre 0,2% et 0,5% au lieu du taux normal de 2% ce qui témoigne d’une très grande tension sur le marché immobilier. L’État ne veut plus déclasser de surfaces, alors qu’il en reste suffisamment pour trouver un compromis avec les exigences de développement de la Ville et la préservation des zones agricoles.

En effet, quels sont les enjeux liés aux surfaces agricoles genevoises ?

Les actions de densification verticale atteignant leurs limites, il faut nous tourner vers d’autres solutions. Nos seules réserves se trouvent dans la zone « villas » (projets à 50 ans) et dans la destruction/reconstruction des bâtiments existants. Cependant, des terrains sont encore disponibles sur notre canton et il faudrait les exploiter, au risque de voir l’activité économique fuir vers des cieux plus cléments. Les surfaces d’assolement, définies par la Confédération, sont aujourd’hui suffisantes pour répondre aux besoins du canton. En revanche, les surfaces agricoles (cultivées ou non) n’assurent que 10% de l’approvisionnement alimentaire local. En déclassant seulement 1% de ces terres, le canton pourrait garantir des réserves pour les 20 à 30 prochaines années, tout en limitant l’impact sur la production agricole à seulement 0,1%. Ceci s’inscrit comme une priorité majeure de nos actions politiques car on assiste à un point d’inflexion des entreprises qui ne construisent plus de grands ensembles et qui vont s’exporter sur d’autres cantons.

Comment se traduit la transition énergétique sur le canton ?

C’est un point fondamental pour notre activité, car le bâti consomme beaucoup d’énergie et les mesures d’assainissement énergétique du parc immobilier offrent des résultats immédiats et mesurables. Cependant, les procédures deviennent de plus en plus complexes et l’approvisionnement – par exemple en panneaux photovoltaïques – connaît de fortes tensions ce qui fait grimper les prix et retardent nombre de projets.

Faut-il s’inquiéter de la réforme de la valeur locative ?

Alors que le Parlement fédéral a acté la suppression de la valeur locative – ce revenu fictif longtemps imposé aux propriétaires occupant leur logement –, la réforme suscite une vive controverse. Pour garantir une neutralité fiscale, les Chambres ont choisi de restreindre fortement les déductions fiscales, notamment celles liées aux intérêts hypothécaires et aux travaux d’entretien ou de rénovation. Ce rééquilibrage menace de freiner l’accès à la propriété, déjà difficile en Suisse, tout en décourageant les investissements dans l’assainissement énergétique des bâtiments. Jugée pénalisante pour les propriétaires et le secteur du bâtiment, la réforme fera l’objet d’un vote populaire en septembre 2025. Les tensions montent, tant en Suisse romande que du côté alémanique, où les conséquences pourraient s’avérer particulièrement sensibles.

Quid de la formation professionnelle ?

Notre secteur forme beaucoup mais peine à conserver ses effectifs, et nous devons donc continuer à valoriser nos métiers. Le salon « Cité des métiers » aura lieu à Palexpo du 25 au 30 novembre 2025 et nous serons bien sûr présents afin de continuer à promouvoir notre filière auprès des jeunes et de leurs parents. Le secteur du bâtiment a beaucoup évolué ces dernières années et permet d’accéder à des évolutions de carrière intéressantes. Par ailleurs, le sujet de la pénibilité est sans cesse questionné et amélioré grâce à une mécanisation croissante, des adaptations de poste si nécessaire et aussi au travers d’une sensibilisation importante à l’hygiène et à la sécurité. Nous sommes également très actifs dans la formation continue où nous formons massivement nos effectifs tout au long de l’année.

Qu’est-ce que le Parcours sécurité ?

Chaque année, la Fédération Genevoise des Métiers du Bâtiment (FMB) forme quelque 1500 professionnels à travers son Parcours sécurité situé à Pont-Rouge, un dispositif incontournable dans le secteur. Ce programme vise à sensibiliser les ouvriers, apprentis et cadres aux règles strictes d’hygiène et de sécurité sur les chantiers. Il mêle théorie et mise en situation pratique, avec pour objectif de réduire les accidents de travail et instaurer une culture de la prévention dès les premiers jours sur le terrain. Un socle indispensable dans un métier à risque, où rigueur et réflexes peuvent sauver des vies.

FMB – Fédération genevoise des Métiers du Bâtiment
Rampe du Pont-Rouge 4 – CH-1213 Petit-Lancy
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