Interprofession du Gruyère

Pierre-Ivan Guyot

 

Une filière face à de nombreux enjeux

Pierre-Ivan Guyot est le nouveau président de l’Interprofession du Gruyère depuis juin 2022. Nombre de dossiers l’occupent au quotidien que l’on parle des ventes en Suisse ou à l’exportation face à une inflation qui n’épargne personne ; des points de vue parfois divergents au sein des 3 professions de la filière ou bien encore des axes et normes à prendre pour la durabilité. Pour nous parler de l’actualité, il répond aux questions de Bien Vivre.

En quelques mots, quel est votre parcours professionnel ?

Durant la première partie de ma carrière, j’ai travaillé au service de l’économie agricole de Neuchâtel. Par la suite, j’ai été durant 14 ans directeur de Fromco, cave d’affinage de Gruyère à Moudon. Durant ces années, la société a connu un développement réjouissant. De plus, j’ai été amené également, pendant cette période, à défendre les intérêts des actionnaires minoritaires qu’étaient les fromagers. Par la suite, j’ai pris le poste de chef de service, subordonné directement au Conseiller d’Etat en charge du département du développement territorial et de l’environnement) au service de l’agriculture à Neuchâtel. Je l’occupe toujours mais ma pluridisciplinarité et ma vaste connaissance du secteur ainsi que de ses acteurs m’ont également amené à devenir président de l’Interprofession du Gruyère en juin 2022, un poste pour lequel j’ai été élu pour 3 ans.

Quels sont les dossiers qui vous occupent en interne ?

Ils sont nombreux ! Au sein de l’Interprofession, nous allons être confrontés à des départs en retraite et il nous faut trouver les bons remplaçants. Il y a entre autres celui de Philippe Bardet, directeur depuis plus de 25 ans. Dans un autre ordre d’idée, il y a la fin de l’usage des robots de traite qui a suscité quelques remous. S’il nous apparait comme important de suivre les évolutions technologiques, pour cela une commission y est spécialement dédiée, il est vital de respecter le cahier des charges du Gruyère AOP. C’est lui qui garantit la qualité et bien sûr le succès. Concernant le prix, une nouvelle commission a vu le jour et débat de la répartition de la valeur ajoutée aux 3 professions concernées : les producteurs de lait, les fromagers et les affineurs. Si les discussions sont nombreuses, nous savons tous qu’au final c’est le marché qui règlera la chose, si les prix sont trop élevés les ventes iront à la baisse, c’est inexorable surtout dans une période où l’inflation va galopante. Vous l’aurez compris les challenges sont importants. Mon rôle est de trouver les bons mots et de pondérer les débats pour que nous parlions tous le même langage et ayons tous le même objectif de travailler au profit du Gruyère AOP. Ma longue expérience du terrain et ma grande connaissance du secteur m’aident dans ce sens et je l’espère me permettront de ramener l’équilibre nécessaire.

Au niveau environnemental, qu’en est-il ?

Il y a des choses que nous pouvons gérer comme l’usage de l’eau et de l’électricité pour la production de lait et la fabrication des fromages. C’est à nous de trouver des solutions pour les réduire et être plus économes. Pour autant, la charge est compliquée car le Gruyère AOP est fabriqué sur une zone qui est très large et qui comprend des structures de toutes tailles implantées aussi bien en montagne qu’en plaine. Pour vous donner une idée, la filière compte 1800 exploitations laitières, 160 fromageries, une soixantaine d’alpages et 11 affineurs. Ils se répartissent sur l’ensemble de la zone de l’AOP qui comprend les cantons de Fribourg, Vaud, Neuchâtel, Jura et une partie du canton de Berne, ainsi que quelques satellites. Toutes sont différentes mais nous devons trouver des dénominateurs communs. Ceci devient de plus en plus urgent devant le réchauffement climatique. Il interfère sur le quotidien. En 2022, par exemple, la sécheresse a engendré des difficultés en matière d’approvisionnement en fourrage, l’obligation étant de fournir 70% de celui-ci par l’exploitation. Si ceci devait se reproduire, le train d’ordonnance 2023 de l’OFAG (Ordonnance AOP-IGP), en consultation actuellement, prévoit la possibilité d’obtenir des dérogations au cahier des charges en cas de force majeur. Tout ceci nous amène à être très attentifs à ce que nous devons faire en matière de durabilité. Nous avons organisé un séminaire dans ce sens pour voir comment nous pouvions agir et quelles normes devaient être mises en place autant pour les producteurs de lait, les fromagers que les affineurs. Pour avancer, un état des lieux est mené de manière à savoir de quoi nous parlons. Nous n’en sommes qu’au début des travaux mais nous savons qu’au final, il faudra mettre en place des mesures face à ces chamboulements qui sont aujourd’hui irréversibles.

La main d’œuvre est-elle facile à trouver et quelles actions sont menées pour sensibiliser à vos métiers ?

Les métiers de la production et de la transformation du lait sont astreignants car ils impliquent un engagement sans faille. Ce n’est donc pas simple et souvent une affaire de passion. Devoir répondre présent au quotidien n’est pas évident à l’heure actuelle où les exigences de la jeunesse en termes de loisirs et de qualité de vie sont élevées. Mais il s’agit également d’un rythme de vie différent où la nature joue un rôle important, ce qui présente également des avantages. Pour présenter l’intérêt de ses professions, des actions de sensibilisation sont menées dans les centres de formation et nous incitons tous les membres de la filière à devenir des ambassadeurs. Pour ce faire, une formation spécifique interne est en cours de création.

Comment se porte le marché ?

Le Gruyère est un fromage emblématique en Suisse mais il connaît également un très grand succès à l’étranger. Ainsi, le volume d’exportation est d’environ 40%, soit 13 500 tonnes, le marché principal étant les USA suivis de l’Allemagne et de la France. Les 20 000 autres tonnes qui représentent additionnées la production totale de Gruyère AOP sont consommées dans le pays. Face à la guerre en Ukraine, à l’inflation, aux augmentations des coûts de production, nous devons nous serrer les coudes en 2023 pour maintenir nos bons résultats. Aujourd’hui, nous y arrivons mais il ne faut pas baisser la garde surtout au niveau de l’exportation où le Gruyère AOP est vendu à un certain prix vu sa qualité. Nous ne doutons pas que les amateurs lui resteront toujours fidèle car je le répète sa qualité est hors pair. Pour preuve il a réalisé un superbe « Grand Chelem » en 2022 en étant désigné vainqueur suprême 4 fois consécutivement lors de concours en Suisse et à l’étranger réunissant plus de 10 000 fromages.

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