Jacques Melly

DMTE – Département de la mobilité, du territoire et de l’environnement

 

La 3e correction du Rhône, le chantier du siècle

Jacques Melly, chef du Département de la mobilité, du territoire et de l’environnement, œuvre au quotidien dans un département qui est exposé mais dans lequel il avoue vivre de grandes heures. Avec un nombre important de chantiers d’envergure comme la 3e correction du Rhône, il dessine le Valais de demain. Préparer le futur et penser à l’avenir lui apparaît comme la mission première d’un Conseiller d’Etat. Les réalisations à venir ou en cours ne manquent pas, il nous en parle.

Que représente à vos yeux la 3e correction du Rhône ?

C’est pour moi le dossier du siècle, de ceux que l’on n’a pas l’occasion de vivre souvent. C’est un réaménagement complet du fleuve, qui va s’étendre sur environ 160 km du Glacier du Rhône jusqu’au Léman. Pour vous dire, il n’y a aucun projet au niveau suisse d’une telle envergure. Sécuriser ainsi les biens et les personnes est nécessaire. Il ne faut pas oublier que les deux tiers de la population du Valais vivent en plaine. Il s’agit, ni plus ni moins, d’éviter 20 milliards de francs de dégâts potentiels ! Certes, l’agriculture est particulièrement mise à contribution compte tenu de l’emprise importante du projet sur les surfaces agricoles. C’est pourquoi l’Office fédéral de l’environnement et les cantons de Vaud et du Valais ont décidé d’accompagner la 3e correction du Rhône par des mesures de compensations agricoles pour un montant maximal de 200 millions de francs, alloué après évaluation des besoins spécifiques.

Ce chantier porte-t-il déjà ses fruits ?

Oui, et on peut prendre un exemple concret pour répondre à votre question. Dans le Haut-Valais, les travaux ont franchi une étape déterminante pour la protection des personnes et des biens. En effet, sur l’ensemble du secteur industriel et bâti de Viège, plus de 160 hectares de terrains à bâtir sont désormais protégés du danger de crue menaçant gravement le territoire et les habitants. Ces parcelles accueilleront en particulier un centre de production high-tech construit par Lonza et Sanofi, avec à la clé la création de centaines d’emplois. Ces sociétés n’auraient jamais pu lancer ce projet sans les travaux de sécurisation.

Le Rhône, en lui-même, va-t-il changer ?

Au-delà des travaux qui vont l’entourer, le but est également de restituer le Rhône à la population pour qu’elle se le ré-apprivoise. Cette 3e correction veut rendre le fleuve plus convivial, plus vivant et apte à accueillir, par endroits, des activités de loisirs et de détente. Un concours international, achevé en décembre 2019, définit d’ailleurs les futurs aménagements des espaces publics de la 3e correction du Rhône.

Dans un autre ordre d’idée, un projet de déviation à Sierre a été mis à l’enquête. En quoi est-il important ?

La tendance actuelle en termes de mobilité est de sortir le trafic de transit des villes et de redonner la possibilité aux habitants de se réapproprier l’espace public. Toutes les villes du Valais ont bénéficié de telles mesures et il semble évident que Sierre, qui souffre de ce mal, profite également de cette démarche qui se décline en trois étapes : le contournement ouest d’abord, mis à l’enquête dernièrement, puis dans quelques années la Liaison nord et enfin le réaménagement de la route de Signèse-Guillamo-Riondaz. La première étape s’appuie sur des infrastructures existantes et aura un impact moindre sur le paysage puisqu’une grande partie sera enterrée sous le coteau et elle n’affectera aucunement la zone à bâtir de Noës. Ce beau projet bonifiera considérablement la vie des habitants de toute la région.

Au niveau de la qualité de l’air, le Valais est-il un « bon élève » ?

La qualité de l’air dans le Valais s’améliore depuis les années 1980 et les valeurs mesurées à ce jour sont globalement encourageantes comme l’atteste le rapport annuel émis par le SEN. Depuis plus de 6 ans, les concentrations de particules fines (PM10), polluant le plus préoccupant en terme de santé publique, et de dioxyde d’azote (NO2) respectent en moyenne annuelle les limitations fixées par l’Ordonnance sur la protection de l’air (OPair) dans toutes les régions valaisannes. En complément aux exigences fédérales, le Conseil d’Etat a adopté en 2009 un plan de 18 mesures pour lutter principalement contre les concentrations excessives de particules fines, mais aussi de dioxyde d’azote et d’ozone (O3). Ainsi les émissions excessives de PM10 et de NO2 sont devenues un problème ponctuel dans le temps et dans l’espace. Concernant l’ozone, bien que la situation se soit sensiblement améliorée de 1990 à 2002, une recrudescence du nombre de dépassements de la limitation horaire s’affiche depuis 2015, principalement en lien avec des conditions météorologiques très ensoleillées favorisant sa production à partir de gaz précurseurs (NO2, composés organiques volatils COV). Avec le réchauffement climatique, la lutte contre l’ozone est donc loin d’être gagnée et les efforts doivent être poursuivis pour garantir un air de qualité bien en dessous des valeurs limites annuelles établies afin de parer aux influences météorologiques.

En quoi le CEVA, qui touche la région lémanique jusqu’à Genève, vous concerne-t-il ?

Le CEVA est un projet de nouvelles infrastructures ferroviaires, qui connecte directement l’agglomération et le nœud ferroviaire d’Annemasse (F) au réseau ferré des CFF. Ce nouvel aménagement permettra de mettre en service à fin 2019 le plus grand RER transfrontalier, le Léman Express, vital pour le désengorgement des villes et villages avec son accès efficace et rapide vers le cœur de Genève, et au-delà, via un bouclage ferroviaire. Seul problème pour le Valais, c’est que rien ne roule entre Evian et Saint-Gingolph et pourtant une voie ferrée existe. Pour cette raison, je me bats aux côtés du Conseil du Léman, qui réunit trois cantons suisses ainsi que les départements français de l’Ain et de la Haute-Savoie, pour que cette ligne soit prochainement réhabilitée et à nouveau ouverte à la circulation de trains régionaux. Cette seconde étape du RER Léman Express offrira ainsi une desserte qui sera profitable également aux Valaisans.

Comment explique-t-on la présence d’un ours à Riederalp et de loups dans le Chablais ?

Les incursions d’ours sur notre territoire sont le résultat d’un programme expérimental conduit dans les Alpes italiennes qui a voulu un repeuplement actif, initié par l’homme. Depuis la fin des années 90, quelques ours ont atteint la Suisse par le canton des Grisons dans un premier temps. Concernant celui qui a pu être vu à Riederalp, nous pensons qu’il est établi dans une région à cheval sur plusieurs cantons et nous n’avons pas constaté pour l’heure sa présence permanente sur notre territoire. Quant aux loups, leur présence est constatée depuis 25 ans et a débuté de manière naturelle. Venant de pays voisins où les meutes ne sont pas régulées, il en a découlé une migration de jeunes individus. Le loup trouve dans nos contrées un biotope particulièrement propice à son établissement, qui offre une nature intacte et préservée, et l’abondance de proies l’encourage à s’y installer.