Jean-Pierre Lagnese Architectes SA

La poétique de la transformation

 

Pour chaque projet, le bureau Jean-Pierre Lagnese propose plus qu’une rénovation : une transformation, une véritable renaissance. Sans brusquer ni masquer, il écoute aussi bien les silences que les bruits des murs, déchiffre leurs histoires et révèle l’âme cachée de chaque lieu. Son secret ? Son goût de l’histoire, sa précision d’artisan mêlée à une conscience écologique avant-gardiste. Ainsi, il aime modifier les espaces, entrelacer le passé et le présent pour donner vie à des œuvres architecturales vibrantes, sensibles et profondément humaines – des lieux qui traversent le temps sans perdre leur éclat.

La transformation: une dimension philosophique

Jean-Pierre Lagnese ne construit pas du neuf, il métamorphose. Sa démarche puise dans le respect de l’existant et le décryptage attentif de l’ADN de chaque bâtiment. Il voit dans la transformation, qui anime toute chose sur Terre, comme un acte essentiel, comparable à celui d’un médecin qui soigne : prolonger la vie d’un bâtiment en rénovant sa substance physique mais aussi en conférant de nouvelles qualités permettant de dialoguer avec une vie en constante évolution. Cette approche poétique et minimaliste s’inscrit aussi dans une conviction écologique forte où, réemployer, limiter l’énergie grise et valoriser les structures existantes, ont toujours été une priorité au service d’une architecture durable et sensible.

Patrimoine et maîtrise globale du projet

Le bureau affectionne particulièrement les bâtiments protégés, où il conjugue exigences patrimoniales et besoins contemporains avec rigueur et sensibilité. Sa connaissance fine des dispositifs administratifs, des exigences énergétiques et des aides à la rénovation lui permet de valoriser le patrimoine tout en optimisant les coûts pour les maîtres d’ouvrage. Sa pratique dépasse la conception : il accompagne ses clients tout au long du processus, du chantier à la maintenance, en intégrant contraintes techniques, impératifs budgétaires et suivi énergétique. Derrière l’élégance des détails, c’est une logique de gestion et de pérennité qui structure son travail et facilite les échanges, avec un seul interlocuteur.

Un parcours inspiré par la transformation

Formé à l’EPFL de Lausanne et à l’ETH de Zurich, Jean-Pierre Lagnese est marqué très tôt par une expérience fondatrice en 1998, lorsqu’il réalise son stage à Berlin. La rénovation par le Prof. Hans Kollhoff de l’ancienne Reichsbank, bâtiment nazi emblématique chargé d’histoire, deviendra le nouveau siège du ministère des Affaires étrangères allemand. Cette confrontation au passé et à la mémoire architecturale façonne durablement sa vision de la transformation. Après une expérience professionnelle à Bâle, il perfectionne son savoir-faire au sein d’agences genevoises reconnues, avant de s’associer avec Marc Honegger et de voler de ses propres ailes en 2016. Sa pratique s’inscrit depuis dans la continuité d’un dialogue entre passé, présent et usages futurs, avec la quête constante du respect de l’identité du bâti.

Rue du Rhône 23: réveiller l’âme d’un bâtiment des années 60

Sur la Place du Rhône, ce bâtiment conçu en 1963 par Luc Hermès portait en lui les signes d’une architecture de son temps : géométrie rigoureuse, matériaux industriels, façade claire en aluminium éloxé. Mais au fil des décennies, les interventions techniques successives avaient figé le bâtiment dans une posture défensive, refermée sur elle-même, coupée du lac, de la lumière et de son environnement bâti. Jean-Pierre Lagnese a abordé cette rénovation comme un dialogue sensible avec le site. Sa première intention : réintégrer l’immeuble dans le tissu urbain de la Place du Rhône, en rétablissant une continuité visuelle et architecturale avec les bâtiments voisins mais aussi restaurer le lien depuis l’intérieur avec le paysage. La façade des étages supérieurs a été repensée dans une matière légère et expressive avec des traverses en métal, inclinées comme les facettes d’un diamant qui réfléchissent la lumière pour en faire vibrer la surface.

Le rez-de-chaussée, quant à lui, a été réinterprété avec des lignes taillées en pierre naturelle, supprimant les ornements néo-byzantins pour retrouver l’esprit d’origine. Une nouvelle marquise, redessinée avec sobriété et surélevée, assure une cohérence d’ensemble avec les autres immeubles de la place. Le bureau a aussi pris soin de favoriser une lecture homogène de l’îlot urbain, en jouant sur les hauteurs, les matériaux et les teintes avec le choix d’un coloris plus chaud pour la façade. Le projet a ainsi renforcé le relief de la façade, inexistant jusqu’alors, et permis de créer un dialogue visuel direct entre les deux fronts bâtis de la Place du Rhône, tout en tenant compte du cadre arborisé et des vues sur le lac. Enfin, la toiture accueille des panneaux solaires sombres, intégrés avec discrétion dans la pente, prolongeant ainsi la vision d’une architecture contemporaine engagée, à la fois ancrée dans le lieu et tournée vers l’avenir.

Place des Bergues 3-8: une nouvelle robe

L’immeuble de la Place des Bergues 3-8 portait en lui la marque des « travers » des années 1980 : avec sur la Place, une de ses façades reprenant littéralement le vocabulaire ornemental des immeubles du XIXe siècle voisin. Face à ce décalage temporel, Jean-Pierre Lagnese a souhaité restaurer une forme d’honnêteté. L’intervention enveloppe l’existant avec une nouvelle façade qui reprend le langage du site dans une esthétique plus sobre et minimaliste, permettant de conserver le lien avec le tissu urbain tout en affirmant sa contemporanéité. Le gris choisi pour l’enveloppe, subtil et changeant selon la lumière, accentue la lecture de la Place et ponctue ainsi le front urbain aux tons clairs du quai. Le rez-de-chaussée, traversé par un passage public reliant la rue Kléberg à la Rade, devient séquence urbaine. Une tôle ondulée y évoque le miroitement du lac, prolongée par une suspension lumineuse à l’effet aquatique. Un geste subtil, mais évocateur, qui installe une respiration entre ville et eau.

Dans les étages, toute la technique a été refondue. Un système de ventilo-convecteurs intégrés à chaque fenêtre permet d’éviter les faux plafonds, une contrainte majeure dans ces plateaux de faible hauteur. Les câblages sont dissimulés dans les murs : les sols restent libres, les plafonds lisibles, la lumière circule sans entrave. Les matériaux deviennent discrets, presque invisibles, et laissent toute place à l’usage et à ses occupants. Les travaux, menés en site occupé, ont suivi un phasage vertical précis, soutenu par des couloirs étanches extérieurs, pour ne pas interrompre les activités. Les vitrines des commerces ont été changées selon le même principe. L’étage en attique a été par la suite entièrement transformé dans le respect de la nouvelle écriture architecturale afin de mettre en relation les espaces intérieurs avec la ville et les baigner de lumière.

Chemin Surinam 4: un couronnement de lumière et de bois

L’immeuble du Chemin Surinam 4 attendait depuis longtemps son achèvement. Édifice solide, mais inachevé dans sa silhouette, il manquait sa couronne, cette dernière esquisse capable d’unifier le tout. Jean-Pierre Lagnese en a dessiné les lignes de reprise et de renouveau en collaboration avec Marc Honegger pour que la transformation respecte l’identité du bâtiment tout en comblant la dent creuse de l’îlot urbain. Deux étages sont venus s’ajouter, comme une ponctuation juste au sommet, dans une enveloppe de bois baignée de lumière. La surélévation, toute en légèreté, utilise une ossature bois préfabriquée, à la fois pour réduire les nuisances du chantier et pour minimiser l’impact environnemental. Le choix du matériau ne relève pas seulement de la technique : il traduit une posture. Le bois devient ici vecteur de durabilité, d’émotion et de chaleur. Les façades s’habillent du système Lucido, alliance subtile de lamelles de bois et de verre translucide. Celui-ci capte les reflets du ciel et crée une lame d’air protectrice, capable de valoriser les rayons du soleil en hiver.

Le bâtiment, ainsi surélevé, gagne en élégance : le langage ancien se prolonge dans une écriture sobre, minimale, profondément intégrée. L’intervention ne cherche pas à imposer : elle parachève, complète, révèle. Le couronnement vient souligner ce qui existait déjà – une structure robuste, un rythme juste – en y ajoutant cette touche d’humanité, d’attention et de soin, qui fait toute la différence.

Jean-Pierre Lagnese Architectes SA
Rue de Montfalcon 8 – CH-1227 Carouge (GE)
Tél. +41 22 308 61 10
architectes@jplagnese.chjplagnese.com

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