Matthieu Aubert

NECO – Service de l’économie du canton de Neuchâtel

 

Trois siècles d’innovations industrielles

Le territoire neuchâtelois, imprégné d’une tradition horlogère tricentenaire, est désormais un pôle économique et technologique d’excellence. Depuis 50 ans, Neuchâtel a su diversifier ses activités, attirant des entreprises internationales grâce à un savoir-faire reconnu dans le monde entier. Aujourd’hui, le canton brille par son dynamisme économique et son innovation, tout en préservant son héritage horloger. Cependant, il doit relever de nombreux défis. Interview de Matthieu Aubert, chef du service de l’économie du canton (NECO).

Pouvez-vous nous rappeler les spécificités du territoire neuchâtelois ?

Le territoire neuchâtelois est marqué par l’horlogerie depuis plus de 300 ans maintenant. Ce savoir-faire ancestral imprègne encore beaucoup l’économie du canton. C’est lors des longs mois d’hiver que les paysans ont commencé à réparer des montres, puis à copier les mécanismes existants, jusqu’à créer de nouveaux modèles de garde-temps. Ces compétences se sont développées au fil des siècles et ont permis d’inscrire ce savoir-faire dans le patrimoine local.

Pour développer ces montres, il a fallu miser sur quatre paramètres essentiels : la miniaturisation, la précision, la fiabilité des composants et la faible consommation énergétique. Toutes ces composantes ont permis de façonner l’ADN du tissu économique neuchâtelois et ont guidé les filières de formation pour créer la richesse des entreprises jusque dans les années 1970. Par la suite, la crise horlogère et la perte de plus de 30 000 emplois en 1973 ont créé un véritable traumatisme dans la région. A partir de là, une réflexion profonde a été engagée pour diversifier l’activité. Neuchâtel a ainsi été précurseur en créant la première loi pour développer la promotion économique cantonale en 1978. Des avantages fiscaux ont également permis d’attirer de grandes entreprises, notamment américaines, venues pour cet aspect, mais aussi pour l’exceptionnel savoir-faire local et la haute valeur ajoutée de ses produits. En parallèle, on assiste aussi à une industrialisation importante du secteur horloger qui quitte le côté artisanal pour une production optimisée. Cette diversification amène de nouvelles compétences liées à la machine-outil, le décolletage, les semi-conducteurs, la microélectronique et la micromécanique. Ainsi, depuis 50 ans maintenant, le canton a réussi une incroyable diversification autour de l’horlogerie. A tel point que depuis 5-6 ans, la branche pharmaceutique est devenue le premier secteur exportateur du canton en valeur. Le canton se positionne comme le deuxième plus exportateur de toute la Suisse en francs par habitant et de ce fait, est très interdépendant du reste du monde. Le secteur secondaire, qui représente près de 40% des emplois, fait la fierté du canton et le positionne comme pôle d’excellence, des startups jusqu’aux grandes entreprises, en représentant l’entier de la chaîne de valeurs. De l’idée au produit.

Décrivez-nous les grandes missions du NECO

Le service de l’économie du Canton de Neuchâtel œuvre à encourager les rapprochements et les partenariats dans le développement économique à tous les niveaux, en collaboration avec les acteurs publics, parapublics et privés, facilitant ainsi l’intégration des entreprises dans le canton. Cet accompagnement vise à favoriser la mise en relation entre entrepreneurs pour des projets générateurs de valeur pour l’économie locale. Les objectifs de la Loi d’Appui au Développement Economique (LADE) de 2015 incluent le soutien aux entreprises innovantes, la promotion de l’image économique de Neuchâtel, la prospection et l’implantation d’entreprises, ainsi que la facilitation des démarches administratives pour les entreprises. De plus, la loi encourage les collaborations et partenariats dans la promotion économique à l’échelle internationale, nationale, intercantonale et cantonale, en accordant des aides ciblées.

Depuis votre arrivée en mars 2023 en tant que chef de service, quelles actions souhaitez-vous engager pour l’économie du canton ?

Je suis arrivé dans un service extrêmement bien géré, et j’ai beaucoup d’estime pour mon prédécesseur, Jean-Kley Tullii, qui a fait un excellent travail. Je souhaite m’inscrire dans la continuité des actions engagées afin de promouvoir la dynamique économique de notre territoire et relever ses nombreux challenges.

Quels sont les défis identifiés pour le canton ces prochaines années ?

Cinq grands défis sont à relever ; ils concernent des problématiques majeures comme la raréfaction des terrains industriels disponibles, l’attractivité fiscale, l’accès à du personnel hautement qualifié, l’innovation et la sécurité d’approvisionnement ainsi que le prix de l’énergie. Les incertitudes géopolitiques (guerres, conflit sino-américain, relation instable avec l’Union européenne) accroissent le défi en insécurisant l’investissement. Nous ne pouvons pas rester isolés. Notre matière grise est notre matière première et les politiques d’investissement dans ce domaine sont cruciales. A ce titre, la fermeture de l’accès aux programmes de recherche et d’équipements européens tels que Horizon et Digital Europe risquent d’avoir de lourdes conséquences sur la compétitivité du tissu économique suisse.

A l’heure actuelle, plus de 40 entreprises présentes sur le territoire neuchâtelois cherchent 100 000 m2 de surface brute de plancher. L’Etat est sous pression pour que les entreprises puissent se développer. La raréfaction des zones économiques est aussi aggravée par de nombreuses contestations et oppositions citoyennes. Au niveau fiscal, les outils ont évolué et la concurrence fiscale s’est exacerbée. Sur le volet des ressources humaines, là aussi nous devons faire face à de nombreux départs en retraite et à un manque de main-d’œuvre hautement qualifiée. Nous devons également maintenir notre compétitivité avec le désavantage du franc fort, et cela passe obligatoirement par l’innovation. Neuchâtel est le canton qui dépose le plus de brevets par habitant en Suisse. Mais cela n’est jamais acquis et pour maintenir sa dynamique, Neuchâtel doit continuellement investir dans le maintien et le développement de ses filières de formation ainsi que cultiver l’intérêt pour l’innovation, la disponibilité et la collaboration avec des partenaires. Enfin, les prix de l’énergie, notamment électrique, dont l’industrie est grande consommatrice, sont surveillés car leur évolution peut mettre en péril le maintien de la production, cela s’est vu en Allemagne.

Comment comptez-vous régler le déficit foncier dont souffre le canton ?

En collaboration avec les communes, notre service essaie d’optimiser et de maximiser l’utilisation des terres et parcelles ainsi que l’exploitation de trop rares friches industrielles. Nous avons aussi diminué le temps de disponibilité des terrains lorsqu’une entreprise nous sollicite pour une réservation. Six mois sont alloués pour l’avant-projet et neuf mois pour déposer le permis de construire. Rappelons aussi que les besoins des entreprises sont très différents. Toutes n’ont pas besoin de grands espaces et nous faisons beaucoup de mise en relation entre les privés et les candidats à l’installation. Enfin, dans un horizon temporel que nous n’espérons pas trop lointain, le pôle économique de la Tène devrait nous permettre d’accueillir des entreprises à haute valeur ajoutée sur 10 hectares. Nous comptons beaucoup sur ces surfaces pour pouvoir appuyer le développement économique du canton et accueillir les entreprises et les emplois de demain.

Comment expliquez-vous le grand attrait des entreprises pour le territoire neuchâtelois et dans quels domaines d’activité opèrent-elles ?

La Suisse offre un environnement propice à l’entreprenariat caractérisé par un droit du travail flexible, une législation administrative légère, une stabilité politique et une sécurité intérieure, ainsi qu’une main-d’œuvre hautement qualifiée et des conditions-cadres globalement compétitives. A Neuchâtel, la présence d’un cluster d’entreprises et de pôles d’innovation technologique, tels que le CSEM (Centre suisse d’électronique et de microtechnique) ainsi que des institutions d’enseignement de haut niveau comme l’EPFL et la HE-Arc, associées à un éventail d’instituts de recherche et de développement, tous situés à proximité des aéroports de Genève, Bâle et Zurich, font de la région un endroit unique. Le cadre de vie exceptionnel entre lacs et montagnes, favorisant les activités sportives et culturelles, complète l’attractivité de la région. Parce que les entreprises sont la porte d’entrée à de nouveaux habitants, le service de l’économie (NECO) s’est vu doté d’une nouvelle corde à son arc, un outil unique en Suisse. En effet, depuis mars 2024, le délégué à la domiciliation dans le Canton de Neuchâtel a rejoint l’équipe du NECO. Son objectif est d’ancrer les nouveaux arrivants dans le canton et de faciliter leurs démarches du quotidien. Un « welcome package » est en cours de réflexion et sera bientôt effectif. Un des projets mené avec succès dans le cadre de la domiciliation a été d’attirer de nouveaux médecins généralistes, un des critères d’installation important pour de nombreuses familles.

Quel budget le canton consacre-t-il au développement et au soutien économique du territoire ?

Environ 10 millions de francs au total sont consacrés au développement économique cantonal. Le soutien à des partenaires institutionnels comme le CSEM, Microcity, GGBa (agence de promotion de la Suisse occidentale), Tourisme Neuchâtelois font partie de nos missions. Dans le cadre de la LADE, plus de 2,5 millions sont consacrés à l’appui à l’innovation, au transfert de technologie, aux dépôts de brevet, etc. Des subventions sous formes d’aides financières peuvent être allouées aux entreprises qui font partie des domaines d’activités stratégiques par la LADE. Des aides peuvent également être octroyées pour soutenir des projets et infrastructures améliorant les conditions-cadres, y compris les incubateurs et les hôtels d’entreprises. De plus, le NECO soutient des initiatives contribuant au développement du tissu économique du canton ainsi que des projets visant à promouvoir l’image et l’attractivité de l’économie locale de Neuchâtel. Par l’intermédiaire de la nouvelle politique régionale (NPR), sur une durée de quatre ans, 3 millions de francs sont dédiés au financement de projets collaboratifs innovants, tandis que 14 millions sont octroyés sous forme de prêts sans intérêt.

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