Pascal Broulis

Département des Finances

 

« L’excellente santé financière vaudoise est le fruit d’un travail continu »

Grâce à une gestion rigoureuse des dépenses, le conseiller d’Etat en charge des Finances Pascal Broulis est parvenu à assainir les caisses du canton. Tout en redynamisant l’économie. Un bilan extrêmement positif salué unanimement.

De manière générale, comment se portent les finances du canton de Vaud ?

Elles se portent bien. Le budget 2019 sera le 13e budget équilibré consécutif du canton et ce résultat est atteint avec la pleine entrée en vigueur, au 1er janvier prochain, de la Réforme de la fiscalité des entreprises (RIE III vaudoise) approuvée à 87,12% des voix par le peuple en 2016. La note financière AAA du canton de Vaud, obtenue en 2013, a été confirmée une fois encore en 2018. Mais il est nécessaire de rester vigilant car les incertitudes sont nombreuses. Il y a la guerre en Syrie, aux portes de l’Europe. Encore plus près, l’ex-Yougoslavie n’est pas complètement stabilisée. Les échanges économiques internationaux sont assez tendus aujourd’hui pour qu’on parle de « guerre commerciale » et nos relations avec l’Europe restent marquées de grandes inconnues. Tout cela doit nous inciter à être très attentifs, en particulier à la progression de nos charges.

Quelle est l’évolution constatée ces dix dernières années ?

Elle est en lien avec mon constat initial. En quinze ans Vaud est passé du statut de canton fragile, noté A en 2003, au rang du Botswana, à celui d’une collectivité solide notée AAA comme les cantons de Zurich, Argovie, la Confédération suisse et des pays comme l’Allemagne, la Norvège ou la Suède (voir le tableau). Notre dette est contrôlée, un peu au-dessus de 1 milliard de francs au budget 2019, la solidité de notre caisse de pension a été améliorée. L’évolution de ces dernières années est positive.

Comment expliquer cette excellente santé financière vaudoise ?

C’est le fruit d’un travail continu, d’un effort de diversification économique, d’une attractivité qui nous permet d’avoir une population jeune en comparaison intercantonale, bien formée, avec un réseau efficient de hautes écoles. Je crois que c’est aussi le fruit d’un consensus politique sur l’importance d’avoir des finances saines car ce sont elles qui créent la marge de manœuvre qui permet de construire dans le long terme.

Les communes s’en sortent globalement moins bien, est-ce un danger pour la stabilité financière cantonale ?

Globalement les communes sont dans une très bonne position avec un degré d’autofinancement de leurs investissements de l’ordre de 90%, mais il y a des situations individuelles qui peuvent être très différentes. Comme on s’en aperçoit au fur et à mesure des déclarations des Municipalités sur leur budget, la question sensible est celle de la péréquation que certaines communes, voire districts, ressentent comme trop lourde. En charge des communes, ma collègue Béatrice Métraux a annoncé que cette péréquation allait être revue avec les Associations de communes dans les deux années qui viennent. Je rappelle aussi que les pourparlers ouverts en 2012 entre l’Etat et les communes ont conduit à l’adoption d’un train de mesures de 753 millions en faveur des communes pour les années 2013 à 2020. On vient encore de se mettre d’accord sur un effort supplémentaire du canton de 50 millions pour compenser le retard dans la mise en œuvre de la réforme de la fiscalité des entreprises au niveau fédéral. La facture sociale est à nouveau assumée à raison de 2/3 pour l’Etat et 1/3 pour les communes et non plus à parts égales. L’Etat et les communes ont intérêt à la stabilité et à l’équilibre de tout le système. Nous le savons, nous nous parlons, nous trouvons des solutions.

Quelles sont les menaces qui persistent sur les finances vaudoises ?

Ce ne sont pas tellement des menaces internes, pourvu que nous soyons attentifs à nos charges et à leur croissance, mais plutôt des menaces externes. Un brusque ralentissement économique, en lien par exemple avec les tensions commerciales que j’évoquais auparavant, n’est jamais à exclure et le canton en serait naturellement affecté. Une crispation avec nos voisins européens serait tout aussi dommageable. Il nous faut aussi rester sur le qui-vive face à certains projets fédéraux qui pourraient nous coûter très cher, notamment dans le domaine de la santé et de son financement. Ici, les cantons doivent rester des acteurs majeurs du système, ils ne peuvent être relégués au rang de payeurs. Enfin, l’équilibre de notre pyramide des âges doit toujours nous préoccuper.

En 2019, la RIE III entrera en vigueur, c’est l’assurance d’attirer de nouvelles entreprises dans le canton ?

J’aimerais déjà, et tout le dispositif est construit pour y parvenir, que ce soit l’assurance de garder les entreprises qui sont installées dans le canton, tout particulièrement les grandes entreprises internationales. La RIE III, c’est d’abord une fiscalité conforme aux nouveaux standards internationaux avec l’instauration d’un taux unique d’imposition des bénéfices, que le canton de Vaud a pour sa part fixé à 13,79%. C’est donc une sécurité pour les entreprises qui peuvent planifier en toute connaissance de cause leur avenir fiscal. Pour qu’elle déploie tous ses effets, il faudra toutefois que son volet fédéral, aujourd’hui baptisé Réforme fiscale et Financement de l’AVS (RFFA) entre en vigueur. Il vient d’être adopté par les Chambres mais il est soumis à référendum et nous voteront probablement le 19 mai prochain. Après, tant mieux si les conditions vaudoises qui sont concurrentielles internationalement et intercantonalement sont ressenties comme attrayantes. C’est ce qui permettra de maintenir et de créer les places de travail de nos enfants, d’approfondir la diversification de notre économie dans le digital et les nouvelles technologies.

Qu’est-ce qui va changer, très concrètement, pour une PME déjà installée dans le canton ?

Elle va voir le taux d’imposition de ses bénéfices, qui est aujourd’hui de 20,95% en comptant l’IFD et les impôts communaux et cantonaux, passer à 13,79% dès son exercice 2019, donc diminuer en gros d’un tiers. C’est autant d’argent qu’elle pourra réinjecter dans son appareil de production, dans des machines, dans des salaires, etc.

Et pour une multinationale ?

Aujourd’hui, les entreprises actives dans plusieurs pays ne paient pas le même impôt sur les bénéfices qu’elles font à l’étranger et sur les bénéfices qu’elles font en Suisse. C’est ce qu’on nomme les « statuts spéciaux ». Or, tant que le volet fédéral de la réforme (RFFA) n’est pas en vigueur ces statuts demeurent. En 2019 rien ne va changer pour ces entreprises. Ensuite, en principe dès 2020, elles seront soumises au même taux de 13,79% et paieront donc un peu plus d’impôt qu’actuellement. Pour le canton de Vaud et ses communes ce sont environ 50 millions de recettes supplémentaires qui sont attendus.

Vous remarquez un intérêt croissant de la part des entreprises pour le canton de Vaud au détriment de Genève ?

Non. Ce n’est d’ailleurs pas le but. Au-delà de la frontière politique qui le traverse, l’Arc lémanique est une seule et même entité économique avec 25 000 Vaudois qui vont quotidiennement travailler à Genève et 8000 Genevois qui font le chemin en sens inverse. Nous sommes dans le même bateau.

Peut-on s’attendre à un accroissement des rentrées fiscales ces prochaines années ?

Les perspectives de croissance de l’économie suisse viennent, au mois de septembre, d’être revues significativement à la hausse, passant de 2,5% à 2,9% pour 2018. Et l’économie vaudoise fait encore mieux avec une prévision de croissance de 3,3% au lieu de 2,5%, toujours en 2018. C’est bon signe mais en parallèle les risques liés aux tensions économiques mondiales se sont accrus. Nos évaluations doivent rester prudentes, tenir compte également des débats fiscaux en cours, de la volonté du Conseil d’Etat d’augmenter certaines déductions accordées aux contribuables, notamment dans l’assurance-maladie, et de diminuer un peu le taux d’impôt cantonal.

Quels sont les principaux investissements prévus ces prochains mois dans le canton ?

Nous devrions atteindre un pic en 2019 avec un total brut d’investissements planifiés de 876 millions dont 74 millions de nouveaux prêts et 229 millions de nouvelles garanties. Par secteurs, la Formation et la culture viennent en tête avec 114 millions dont près de la moitié iront à la poursuite de l’aménagement de la magnifique plate-forme muséale de Lausanne. En 2019 nous inaugurerons le nouveau Musée Cantonal des Beaux-Arts (MCBA), puis en 2021 ce sera le tour du nouvel édifice rassemblant le Mudac (arts décoratifs) et le Musée de l’Elysée (photographie). Il y a aussi l’impressionnant Vortex qui accueillera les athlètes des Jeux Olympiques de la jeunesse en 2020 avant de servir de logement pour étudiants. Mobilité – routes et voies de chemin de fer – et santé avec notamment le nouvel hôpital de l’enfance ont également des prévisions d’investissements de plus de 110 millions de francs l’an prochain. Vaud soigne ses infrastructures. C’est aussi ce que permet la marge de manœuvre financière qui a été regagnée.