Thierry Apothéloz

DCS – Département de la cohésion sociale

 

Plus que jamais la cohésion sociale est un impératif

Depuis 2018 au gouvernement genevois, réélu en avril dernier, Thierry Apothéloz reste en charge d’un département qui lui tient à cœur et pour lequel il met tout en œuvre pour consolider le « vivre ensemble » au sein du canton et pour améliorer la qualité de vie de sa population. Pour cette nouvelle législature, il a également souhaité reprendre le dossier des seniors, une population à la démographie exponentielle qui l’intéresse et pour laquelle il entend développer de nombreuses actions pour garantir à chacun·e des conditions de vie agréables et dignes. Pour en savoir plus sur les différents sujets qui l’occupent au quotidien Thierry Apothéloz répond à nos questions.

Quelle est votre définition de la cohésion sociale par rapport à un canton comme Genève?

La cohésion sociale est le maillage des liens qui unissent les résidents du canton entre eux. Ces liens dépendent de la situation individuelle de chacun et de la capacité d’une société à se projeter dans un avenir commun. L’Etat a la mission d’aider les individus qui en ont besoin et de créer les conditions pour permettre une société plus juste, plus durable et plus équitable.

La cohésion sociale veut que chacun ait le droit à des conditions de vie de qualité. Durant les 5 précédentes années passées dans ce département, que vous occupez de nouveau aujourd’hui, quels faits marquants ont-été mis en place?

J’ai la chance de diriger un département qui traite de sujets très variés. En matière sociale, je retiens le succès de la réforme de l’aide sociale que j’ai initiée à mon arrivée au Conseil d’Etat. Adoptée par le Grand Conseil en juin 2023, la nouvelle loi sur l’aide sociale et la lutte contre la précarité a été réfléchie pour mieux épauler ceux qui en ont besoin, en s’appuyant sur la formation et l’accompagnement social et en reconnaissant la valeur du travail. Nous avons en parallèle fait voter en 2021 la toute première loi sur l’aide aux personnes sans-abri qui clarifie le rôle du canton et des communes dans ce domaine. Je suis aussi satisfait que le Parlement ait adopté en 2022 la loi que j’ai proposée pour lutter contre le surendettement, qui est un fléau que l’on peut qualifier d’insidieux. Il touche de très nombreuses personnes qui n’arrivent plus à faire face aux coûts des loyers, des impôts et de la santé. Toute leur vie est alors impactée, il est donc important de les accompagner pour trouver des solutions. Dans le domaine du sport, le projet de nouvelle patinoire a fait un pas de géant en avant, et est prévue pour 2028. Je citerai enfin la loi sur la culture et la promotion de la création artistique qui amène le canton à assumer pleinement son rôle de coordinateur de la politique culturelle à Genève et de soutien à la création ainsi qu’aux institutions culturelles.

Malgré tout ce que vous entreprenez, est-ce que globalement la cohésion sociale est là à Genève ou faut-il se battre pour qu’elle existe?

C’est un défi de tous les jours autant pour la dimension individuelle que collective que j’évoquais avant. Genève est un canton prospère, avec une qualité de vie qu’on nous envie souvent. Pourtant, d’un côté, on voit de plus en plus de personnes dont la situation se péjore et qui ont du mal à boucler les fins de mois et ce, quel que soit leur âge. De l’autre, on sait par des études (que mon département a mandatées) que l’inégalité est aussi un phénomène territorial. Dans ce que l’on appelle communément des « poches de précarité », les facteurs de pauvreté s’accumulent. Ce que l’on met en place vise à agir sur ces deux niveaux. Parfois, par des actions initiées par l’Etat, ce sont les habitants eux-mêmes qui agissent pour améliorer leur lieu de vie, leur quartier par exemple. C’est un formidable élan de cohésion sociale.

Quelle est l’action privée, qui va dans le sens de vos convictions, qui vous a le plus marquée depuis que vous êtes conseiller d’Etat ?

En cinq ans, il n’y a pas une action privée mais des actions, qui me marquent, quels que soient leur taille et leur dessein. Parmi elles, il y a le bénévolat qui est vraiment très important. Il aide à fabriquer de la solidarité, du rapport à l’autre. Je suis admiratif du travail de nombre de clubs, d’associations qui vient en complément des actions de l’Etat, dans les domaines du sport, de la culture ou encore du social.

Le bénévolat est-il très présent dans le canton?

Oui. On vit une époque où bien souvent le travail laisse peu de temps libre. Pourtant, ce bénévolat, qui est également synonyme de liens, de proximité, de considération envers les autres, est nécessaire. Tout comme le sont des gestes de solidarité plus simples. Prendre des nouvelles de son voisin devrait être naturel. Malheureusement, le cas de cette dame âgée, restée morte chez elle aux Acacias durant plusieurs jours sans que personne ne s’en rende compte, est exactement ce que je ne veux plus voir. Chacun à son échelle peut et doit faire preuve de solidarité.

Quel est le dossier qui vous accapare le plus actuellement?

A l’occasion de ma réélection, le Conseil d’Etat m’a confié le dossier des seniors. C’est un sujet qui m’intéresse spécialement et auquel j’ai consacré un livre, « La force de l’âge », dans lequel je tire des analyses et formule des propositions, dès lors que les seniors constituent une frange de la population dont le nombre va crescendo et pour laquelle il y a beaucoup à faire. Tout ne se résume pas à la santé, il y a également la mobilité, l’aménagement du territoire, le social… cela oblige à une politique transversale. Aujourd’hui, le maintien à domicile le plus longtemps possible est une volonté du canton mais il faut réfléchir à trouver des alternatives entre ce dernier et l’entrée définitive en EMS. Les centres de jour peuvent être une solution. Mais d’autres existent comme l’implication des seniors dans la vie de leur commune. Souvent perçus comme inaptes à s’investir dans une action, ils sont pourtant nombreux à pouvoir donner de leur temps et de leur énergie, car beaucoup n’en manquent pas ! J’ai en fait commencé à traiter de la question des seniors lors de la précédente législature déjà. Après un travail de concertation entre le canton et les communes, ces dernières doivent, depuis cette année, mettre en place des actions de proximité pour lutter contre l’isolement et tout faire pour mieux connaître leurs aînés et être en contact avec. Ceci est prometteur.

Dans 5 ans, quel bilan aimeriez-vous faire?

En 2028, j’aimerais que la situation individuelle de chacun ait évolué et que des solutions aient été trouvées pour ceux qui font face à des soucis. Au niveau collectif, après une crise pandémique qui l’a largement fragilisée, il est fondamental que notre cohésion soit renforcée, que des réflexes de soutien et de solidarité soient toujours bien présents. Pour finir, je serais satisfait que la situation de la jeunesse ait avancé dans un sens positif. Aujourd’hui, beaucoup sont perdus, ne voient pas de perspectives pour leur avenir. Il faut les accompagner, leur donner des occasions de croire en quelque chose et de retrouver de l’espoir. Si à tout ceci s’ajoutent des seniors mieux pris en compte par la société, alors le bilan serait très positif.

Photo principale: © Etat de Genève / V. Botteron
Petite photo: © Nicolas Righetti