Viola Amherd

Conseillère nationale

 

Bientôt Conseillère fédérale ?

Viola Amherd succèdera-t-elle à Doris Leuthard au Conseil fédéral ? Si les jeux sont loin d’être faits, la conseillère nationale de Brigue est considérée comme l’une des papables les plus sérieuses. Discrète et en même temps brillant d’une réputation de première de classe : A l’ère de la politique spectacle, c’est plutôt intrigant. Nous lui avons demandé sa recette…

Je suis un exemple que, finalement, ce n’est pas la politique-spectacle qui compte, mais le travail ! Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de faire tous les jours la Une, mais de bosser sur les dossiers. C’est mon caractère, c’est comme ça, on ne se refait pas… (rires). On entend souvent dire qu’en étant un élu sur 200 à Berne, on ne peut rien faire… Ce n’est pas vrai ! Dans les commissions, quand on s’investit, on pose des jalons qui donnent des résultats concrets en plenum. C’est un travail en coulisse, invisible pour le grand public, mais il est important et permet de faire bouger les choses.

Des exemples ?

Je me suis toujours beaucoup engagée en faveur des enfants et de la jeunesse, avec des réussites qui me tiennent à cœur. Mes actions parlementaires sont à l’origine de la ratification par la Suisse, en 2015, de la Convention des nations unies relative aux droits de l’enfant et des mineurs. La législation y relative a également été modifiée dans le sens que je voulais : les enfants ont désormais davantage le droit d’être entendus et leur parole doit être prise au sérieux.

D’autres réussites, importantes pour vous : celles qui concernent la cause des femmes…

Dans ce domaine également, mes interventions parlementaires ont porté des fruits. C’’est ainsi que la Suisse est depuis peu signataire de la Convention D’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence domestique, violence qui touche également des hommes mais surtout des femmes. De plus, la législation fédérale a été modifiée avec succès : en cas de violence domestique, s’il y a récidive, les victimes ne peuvent plus retirer leur plainte comme c’était le cas jusqu’à l’an dernier. Les conjoints n’ont de ce fait plus cette possibilité de faire pression sur les victimes, sont ainsi mieux protégées.

Au chapitre de l’égalité, il y a encore du pain sur la planche…

Depuis trois-quatre ans, la part des élues femmes est en recul, et c’est dommage. Les jeunes générations ont tendance à penser que l’égalité est acquise parce qu’inscrite dans la loi, mais dans la pratique, c’est loin d’être le cas. Les femmes doivent réellement avoir le choix : se consacrer à leur famille, faire carrière… Chacune doit pouvoir décider.

Et pour y parvenir, il faut des quotas ?

J’ai d’abord été sceptique en ce qui concerne les quotas, mais si on veut changer les choses, il faudra en passer par là. Ce qui m’a motivée à soutenir l’initiative parlementaire de ma collègue Maya Graf au Conseil national, demandant l’introduction de quotas pour les femmes au Conseil fédéral.

Quels sont vos autres grands chevaux de bataille ?

Je me bats pour que les populations des régions périphériques et de montagne aient accès à des infrastructures et un service public dignes de ce nom. J’ai obtenu que la Poste continue à desservir ces régions, un succès qui n’était pas évident car le Conseil fédéral était contre. Et puis, contre l’avis du Conseil fédéral toujours, j’ai réussi à convaincre le Parlement d’entrer en matière sur le problème des transports de matériaux dangereux par la route du col du Simplon. Une analyse des risques neutre va être faite, qui dira s’il faut interdire ces transports par la route et les transférer sur le rail.

Votre actualité ?

L’achèvement du tunnel de base du Lötschberg est l’un des mes plus gros combats actuels. Le trafic marchandises par le tube existant est à saturation ; il est indispensable de terminer les travaux permettant d’exploiter le deuxième tube. Il en va du respect de l’Initiative des Alpes qui exige une limitation du transport par la route et un transfert vers le rail. Le Conseil fédéral rendra public sous peu ses projets d’aménagements ferroviaires pour l’horizon 2030-2035. Autant dire que le Comité Lötschberg, que je dirige, suit ce dossier de très près.

Quels grands défis pour la Suisse ?

Il s’agit de préserver la cohésion nationale et la solidarité. Nous assistons à la montée d’une inquiétante vague libertarienne et des individualismes – on l’a vu lors du débat sur no Billag : « Je ne paie que ce que je consomme ». C’est dangereux pour la démocratie et pour la cohésion sociale qui font la force et la prospérité de la Suisse.

Alors que le Parlement se droitise, on vous dit un peu à gauche…

Mais c’est ridicule ! Selon le rating de l’année dernière, je suis au centre du centre. Pour les questions sociétales par exemple – j’ai par exemple soutenu l’adoption par le couples de même sexe – je dirais que suis de tendance libérale plutôt que de parler de gauche…

Le centre, une position peu évidente en ces temps de polarisation ?

Pourtant, le centre, le dialogue, la recherche du consensus sont à la base du succès du modèle suisse ! Vous m’avez demandé tout à l’heure quelle est ma recette à Berne : je n’ai pas peur de discuter, de dialoguer avec les autres, qu’ils soient UDC ou socialistes. Par le dialogue, nous construisons des solutions durables, respectées par toutes les parties. Lorsque j’entends dénigrer le système suisse, dire qu’il est trop lent : ça m’énerve ! Il n’est certes pas parfait, par exemple la pauvreté existe chez nous aussi, mais nous avons une chance énorme de vivre dans ce pays.

La question que tout le monde se pose : allez-vous vous lancer dans la course à la succession de Doris Leuthard au Conseil fédéral ?

Tant que Madame Leuthard, qui fait un travail exceptionnel, n’aura pas démissionné, je ne dirai rien ! (Ndlr : A l’heure où nous mettions sous presse, la ministre n’avait toujours pas annoncé la date de son retrait.)

Après 13 ans à Berne, votre énergie reste intacte ?

Oui, et j’ai d’ailleurs encore un an et demi de mandat comme conseillère nationale devant moi. Ensuite, j’aurai bien d’autres possibilités de m’investir hors de la sphère politique : je pense au développement du parc naturel régional du Bintal ou encore à la mise en place du réseau de fibre optique dans le Haut-Valais, autant de projets importants dans lesquels je pourrai mettre, le cas échéant, toute mon énergie.

Viola Amherd en bref

56 ans, présidente de Brigue de 2002 à 2012, au Conseil national depuis 2005. Actuellement membre de deux commissions : transports et télécommunications, et affaires juridiques / Vice-présidente du groupe PDC aux Chambres. Hobbies : nature, sport, lecture.

Photo d’entrée: © Francois Perrodin
Photo galerie 1: © BLS AG – Lotchberg Komitee
Photo galerie 2: © Sebatian Magnani